WILMS ANDRÉ (1947-2022)

André Wilms est né de père inconnu le 29 avril 1947 à Strasbourg. Il a été élevé par sa mère, très éloignée du monde artistique. Après avoir obtenu un certificat d’aptitude professionnelle (CAP), il travaille d’abord comme stucateur. Mais, au début des années 1970, il se découvre une passion pour le théâtre et intègre une troupe d’amateurs strasbourgeois, à laquelle il apporte un soutien technique, tout en jouant les seconds rôles sur scène. Puis il quitte l’Alsace pour Toulouse et suit les stages organisés par le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, dont sont issus bon nombre de créateurs, tout en militant pour le mouvement maoïste la Gauche prolétarienne.

Venu à Paris, André Wilms est retenu lors d’une audition par le metteur en scène allemand Klaus Michael Grüber (1941-2008), dont il pratique la langue et partage les opinions politiques. Celui-ci l’intègre dans la distribution de Faust Salpêtrière, d’après Goethe, un spectacle créé dans la chapelle de l’hôpital parisien en 1975 et resté dans les mémoires. Il retrouvera Grüber pour La Mort de Danton de Georg Büchner (1989) et Le Pôle de Vladimir Nabokov (1996). L’acteur se lie avec l’auteur et metteur en scène allemand Heiner Müller, dont il sera l’interprète, puis avec son compatriote Heiner Goebbels, musicien, compositeur et metteur en scène, qui lui permet d’élargir sa pratique scénique et musicale avec trois créations : Ou bien le débarquement désastreux (1993), Max Black (1998), et Eraritjaritjaka (2004), d’après un livre d’Elias Canetti, prix Nobel de littérature 1981. Le titre de cette dernière œuvre fait allusion à un terme utilisé par les Aborigènes d’Australie pour évoquer les souvenirs perdus.

En parallèle, André Wilms se produit avec des metteurs en scène français, dont André Engel (Baal de Bertolt Brecht, 1976 ; Hôtel moderne, d’après Franz Kafka, 1979 ; Ils allaient obscurs dans la nuit solitaire, d’après Samuel Beckett, 1979), Jean-Pierre Vincent (Violences à Vichy de Bernard Chartreux, 1980) ou Jacques Lassalle (Le Tartuffe de Molière, 1984).

À partir de 1988, il met lui-même en scène, au théâtre et à l’opéra, une quinzaine d’œuvres soigneusement choisies pour leur portée philosophique, politique ou sociale, parmi lesquelles Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartok (1990), Medeamaterial de Pascal Dusapin (2000) et Les Bacchantes d’Euripide (2005).

Au cinéma, André Wilms a joué en France, à partir de 1981, dans une vingtaine de films. Son interprétation de Monsieur Le Quesnoy, dans La vie est un long fleuve tranquille (1988) d’Étienne Chatiliez, le fait connaître du grand public. Il retrouvera ce metteur en scène à deux reprises pour Tatie Danielle (1990) et Tanguy (2001). Il s’est également produit avec Patrice Leconte (Monsieur Hire, 1989 ; Maigret, 2022), Claude Chabrol (L’Enfer, 1994).

André Wilms a également noué des liens avec le réalisateur finlandais Aki Kaurismäki, jouant sous sa direction dans La Vie de bohème (1992), Les Leningrad Cowboys rencontrent Moïse (1994), Juha (1999), Le Havre (prix Louis Delluc 2011) et L’Autre Côté de l’espoir (2017), des films à caractère humaniste et sociologique, salués par la critique.

Au cours d’un demi-siècle de pratique, ce comédien charismatique aux multiples facettes, qui portait sur le monde un regard distancié, aura montré une présence et un souffle peu communs. Il déclarait notamment : « La dignité sociale passe par la conquête du langage », ce à quoi il était parvenu dans la vie comme sur la scène, souvent avec humour.

André Wilms est mort le 9 février 2022 à Paris.

— Jean CHOLLET