ANDREA DEL CASTAGNO (1390 ou 1406 ou 1421-1457)
Au début du Quattrocento, divers peintres florentins élaborent un style qui brise avec ce que le Trecento, dominé par Giotto, comportait encore d'empreinte gothique. La conquête, par Masaccio, d'un espace cohérent ouvre la voie à Uccello, à Andrea del Castagno, qui, de manière fort différente, vont accorder la primauté au dessin, au volume monumental, au contour dramatique, aux effets de perspective, ne laissant à la couleur que la mission d'habiller un espace essentiellement créé par la toute-puissance des formes.
Andrea del Castagno naquit dans un village du Mugello. Orphelin de bonne heure, berger chez son oncle, il s'adonne spontanément au dessin ; il est remarqué par Bernadetto Médicis, qui l'emmène à Florence, croit-on, dans l'atelier de Masaccio. Toujours est-il que c'est à Florence que le jeune Castagno apprend son métier et qu'après avoir peint la Crucifixion avec des saints de Santa Maria Nuova il exécute au lendemain de la bataille d'Anghiari, pour le palais du Podestà, l'effigie des rebelles pendus ; cela ne l'empêchera pas de travailler à Venise, où il exécute en 1442 diverses fresques pour l'église San Zaccaria et des mosaïques pour l'église Saint-Marc.
En 1454, il est à Rome. Et c'est peut-être à ces divers séjours dans le nord de l'Italie que l'art de Castagno doit les parentés qu'on lui peut trouver avec le style aigu de Mantegna, son cadet de vingt ans, qui puisa une bonne part de son inspiration chez les dessinateurs florentins.
Mais le plus fort des influences que Castagno subit lui vient de la sculpture de Donatello. Aussi, les figures d'hommes et de femmes illustres — Dante, Pétrarque, Boccace —, aujourd'hui réunies dans le réfectoire de Sant'Apollonia, qu'il peignit pour un salon de la villa Carducci à Legnaia nous apparaissent-elles, par leur expression dramatique, par la vigueur de leurs contours, comme autant de sculptures monumentales ; et le Niccolò da Tolentino (évocateur des profils de Pisanello), exécuté en 1455 pour le dôme de Florence, sur le mode du trompe-l'œil, en symétrique du John Hawkwood d'Uccello, doit beaucoup à la statue équestre du Gattamelata que, dix années auparavant, Donatello avait élevée à Padoue. Ce réalisme brutal de l'art de Castagno caractérise pleinement son œuvre ultime : la Cène du réfectoire de Sant'Apollonia, à Florence, qu'il peignit peu avant de mourir, frappé de la peste, en 1457.
L'organisation tout horizontale de cette œuvre maîtresse, le découpage géométrique des surfaces (qui justifie l'hypothèse selon laquelle Castagno aurait pratiqué l'art de la mosaïque), l'isolement du Judas farouche qui rompt, au premier plan, le caractère frontal de la composition, tout obéit à une exigence implacable de rigueur, à la volonté hautaine, comme chez Uccello, de créer un espace clos sur lui-même, épuré de toute anecdote, où la couleur froide et comme métallique est entièrement soumise au dessin. Selon Vasari, Castagno aurait assassiné son confrère Domenico Veneziano pour lui ravir les secrets de la peinture à l'huile et s'en rendre seul maître. Il est aujourd'hui établi que la victime survécut quatre années à son meurtrier ! La valeur symbolique du récit n'en est pas moindre : elle fait corps avec l'impression de violence ombrageuse et d'outrance émanant de ces œuvres rigides, peintes de bronze et de marbre plus que de couleurs (David, National Gallery, Washington ; Crucifixion, Déposition, Résurrection à Sant'Apollonia), qui grandissent sans poétiser ni décrire, sans concession au monde de la nature décidément exclu des préoccupations purement plastiques de Castagno.
Andrea del Castagno appartient donc à cette génération d'artistes confrontés d'un seul coup au problème de la peinture.[...]
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Écrit par
- Philippe LEVANTAL : peintre, journaliste d'art
Classification
Médias
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