MANTEGNA ANDREA (1431-1506)
Les fresques des Eremitani
Le peintre n'avait que dix-sept ans quand il reçut, en 1448, en même temps que son camarade Niccolo Pizzolo, la charge d'exécuter les fresques de la chapelle Ovetari dans l'église des Eremitani. Comme il était encore mineur, son frère Tommaso signa pour lui le contrat. En 1449, Mantegna est à Ferrare. Il eut peut-être l'occasion d'y voir des œuvres de Piero della Francesca. Dès son retour à Padoue, il se met au travail dans la chapelle Ovetari. Antonio Vivarini et Giovanni d'Alemagna devaient prendre part, eux aussi, à la décoration de la chapelle. Très vite cependant, en particulier à cause de la mort d'Alemagna, et plus encore parce que le génie de l'adolescent s'était brusquement révélé, Mantegna devint le principal responsable et le principal exécutant des fresques, qui sont d'une importance capitale en ce qui concerne le renouvellement de la peinture en Italie septentrionale. Ces fresques ont été presque toutes détruites par un bombardement au printemps de 1944. Seules ont survécu les œuvres qui avaient été précédemment détachées du mur : L'Assomption, Le Martyre de saint Christophe et Saint Christophe enlevé au ciel. La personnalité de Mantegna se révèle de façon fulgurante dans les épisodes consacrés à saint Jacques : Saint Jacques baptisant Hermogène, Saint Jacques devant le juge, Saint Jacques conduit au martyre et enfin dans Le Martyre du saint. Les autres parties du cycle sont l'œuvre d'artistes divers, parmi lesquels figure sans doute Girolamo, dit Giovanni da Camerino. Mais Mantegna les domine tous. L'amour qu'il a de l'Antiquité s'exprime dans son œuvre en une vision ferme et solennelle, comme pétrifiée, où se dressent des figures héroïques et inhumaines. Mantegna fut préoccupé jusqu'à l'obsession par les problèmes de la perspective ; il isole et détache des scènes sur lesquelles il prend un point de vue de bas en haut. Il crée des images cristallines, intemporelles, comme fermées à la communication, parce que chacune de ses figures semble prisonnière de sa propre grandeur. Ces figures, toutefois, trouvent leur unité dans la rigueur de la perspective. Dans cet espace imaginaire, strictement défini, les personnages ont l'air de statues peintes avec des couleurs lumineuses et froides. Dans Saint Jacques conduit au martyre, le goût de Mantegna pour l'antique l'entraîne à élever, avec une extraordinaire audace de perspective, un arc triomphal qui semble étroitement lié, dans la composition, aux figures de premier plan. Sur l'arête de l'arc se dresse un écuyer – presque une statue – qui de toute évidence dérive du Saint Georges de Donatello. C'est la preuve de la grande admiration que Mantegna portait au Florentin.
Mantegna eut de l'Antiquité une conception bien différente de celle des peintres toscans. Il y vit un monde de perfection qu'on peut admirer avec détachement, mais non pas un exemple à suivre comme le pensèrent les Florentins. À la fin de son activité à la chapelle des Eremitani, Mantegna entreprit l'exécution du Polyptyque de saint Luc (commencé en 1453). Dans cette œuvre semblent se réunir des éléments de douceur, à la manière d'Antonio Vivarini, une composition perspective renouvelée et un luminisme qui annonce les fresques plus tardives, en particulier les dernières œuvres consacrées à saint Jacques.
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Écrit par
- Pietro ZAMPETTI : professeur d'histoire de l'art, université de Venise
Classification
Médias
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