POZZO ANDREA (1642-1709)
L'architecte
Il est difficile de séparer chez Pozzo le peintre de l'architecte. Son œuvre d'architecte est fort bien connue, grâce à son traité de perspective publié à Rome en 1693 et 1700 (Perspectiva pictorum et architectorum), dans lequel il a reproduit ses principales créations. Sa formation d'architecte est encore plus obscure que sa formation de peintre. C'est d'ailleurs en tant que peintre décorateur qu'il fut chargé de dessiner ces architectures provisoires qui servaient lors de certaines fêtes religieuses. Il y montra tant de talent qu'on lui demanda ensuite d'établir des projets d'édifices religieux, le plus souvent pour l'ordre des Jésuites : Montepulciano, Belluno, église San Francesco Saverio à Trente, Ragusa (Dubrovnik), cathédrale de Ljubljana.
Les monuments d'architecture pure encore conservés, comme la cathédrale de Ljubljana, l'église des Servi de Montepulciano, l'église de San Francesco Saverio à Trente, sont des œuvres d'un goût berninesque à dominante horizontale, sans grande originalité. Dans l'église de l'université de Vienne, Pozzo a multiplié les accidents et les ornements, qu'il emploie cependant avec plus de bonheur dans les architectures peintes de ses plafonds ; le volume restreint et la voûte basse de cet édifice contribuent à en faire une des plus pesantes expressions du baroque. Au contraire, l' autel de saint Ignace, dans le croisillon nord du transept de l'église du Gesù, est une des manifestations les plus nobles du baroque romain et une des créations les plus typiques de cette liturgie triomphale, qui célèbre la foi catholique dans un de ses héros. Le père Pozzo a prodigué ici les matières les plus précieuses, argent, bronze doré, lapis-lazuli, marbres de Sicile et de Venise, albâtre d'Orient ; il a incorporé les bas-reliefs antérieurs de l'Albane, dessiné les statues nouvelles et ordonné tous ces éléments en une composition grandiose qui est, à proprement parler, une « gloire ». Le monument avait été mis au concours, le père avait proposé douze projets qui se trouvaient en concurrence avec onze autres. C'est en dessinant des monuments éphémères, des teatri sacri, pour des fêtes religieuses qu'il avait acquis un tel sens de la mise en scène. Son traité de perspective a heureusement conservé le souvenir de ces « machines » destinées à l'adoration du saint sacrement lors des « quarante heures », pendant la semaine sainte, et pour lesquelles on choisissait un thème tiré de la Sainte Écriture ; il en avait déjà dessiné à Milan pour l'église jésuite San Fedele. Le théâtre des « Noces de Cana », fait pour le Gesù de Rome en 1685 (Traité, I, 71), celui qui a pour motif la parole de l'Écriture « Sitientes, venite ad aquas », exécuté également au Gesù en 1695 (Traité, II, 47 et 48), sont parmi les plus belles inventions du baroque.
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Écrit par
- Germain BAZIN : conservateur en chef au musée du Louvre, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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