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PUTMAN ANDRÉE (1925-2013)

L'histoire du design mondial aura été marquée par un trio incomparable constitué par des femmes : Maïmé Arnodin (1916-2003), Denise Fayolle (1923-1995), Andrée Putman (1925-2013). Aucune d'entre elles n'a été formée par une quelconque école d'art. La doyenne est ingénieur de l'École centrale, la seconde a passé une licence de philosophie, tandis que la troisième a obtenu un premier prix d'Harmonie au Conservatoire de Paris. Un très haut niveau de culture donc, bien que marginal, par rapport à celui des créateurs patentés dans le domaine des arts appliqués.

Chacune de ces créatrices va se lancer dans le combat de la beauté contemporaine accessible à tous. Maïmé Arnodin, d'abord directrice du Jardin des Modes, retrouvera Denise Fayolle au Printemps pour prendre en main le bureau de mobilier et d'objets à bon marché dans le cadre de Prisunic : cette expérience sollicitera des designers d'avant-garde tels que Gae Aulenti, Terence Conran ou Marc Held. À chaque fois, Andrée Putman fera partie de l'équipe et elle figurera ensuite dans le groupe Mafia, une agence de conseils en publicité et en produits que ses amies fondent en 1968.

La tentative de Prisunic n'atteindra pas le public souhaité – en cette fin du xxe siècle, le mobilier de « style » du faubourg Saint-Antoine conserve encore toutes ses chances – mais cet échec ne détournera pas Andrée Putman de l'action qu'elle mènera en solitaire en créant, en 1978, le bureau d'études si bien nommé Écart, dont l’anagramme Trace l’avait également séduit.

Née le 23 décembre 1925 à Paris, Andrée Putman est la fille de l'écrivain Joseph Aynard et l'arrière-petite-nièce de Taine. Élevée dans un milieu où les exigences culturelles commençaient dès l'enfance par des visites répétées au Louvre et la fréquentation des concerts, Andrée Putman passe également ses vacances de jeune fille dans un cadre privilégié : l'abbaye cistercienne de Fontenay, propriété familiale des Montgolfier. Après des études secondaires au collège d'Hulst, un établissement libre très renommé, elle ne choisit pas la voie de la facilité. Reçue au Conservatoire de Paris pour se consacrer à l'harmonie, elle en obtiendra un premier prix. Malgré ce succès, elle refuse de répondre à l'exigence de son maître : s'enfermer dix ans pour produire une œuvre.

Andrée Putman découvrira le monde en se risquant dans une carrière de journaliste : on repère sa signature dans Fémina, dans la rubrique décoration des cahiers de Elle, dans la revue L'Œil, des postes privilégiés pour observer l'évolution du goût. En 1971, avec Didier Grumbach, elle crée le groupe Créateurs et Industriels, spécialisé dans le développement du prêt-à-porter et du textile. En 1978, son indépendance se manifeste dans le choix du local pour Écart. Le bureau d'études est installé rue Pavée, au cœur du Marais, dans l'une des plus anciennes rues de la capitale : en 1913, au scandale de certains, Hector Guimard, l'architecte des entrées du métro, y a dressé son dernier chef-d'œuvre, une synagogue à la façade totalement dépouillée. Pouvait-elle déplaire à cette habituée de l'un des plus beaux cloîtres du monde ?

C'est dans ce lieu insolite qu'Andrée Putman intéresse les connaisseurs en rééditant des meubles et des créations d'Eileen Gray, de Robert Mallet-Stevens ou de Mario Fortuny, quelque peu oubliés jusque-là. Voilà une nouvelle enfant d'Adolf Loos qui rejette le terme « décorateur ». Oui, « l'ornement est un crime », le goût « Versailles » a perverti les Français, et Andrée Putman reprendrait volontiers la déclaration de Le Corbusier : « À l'ancien duo bois-pierre, il faut substituer le quatuor ciment-verre-métal-électricité. »

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