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SINIAVSKI ANDREÏ (1925-1997)

Andreï Siniavski est né à Moscou en 1925. Chercheur à l'Institut de littérature mondiale de Moscou de 1951 à 1965, il aurait pu être un brillant critique littéraire soviétique, mais il préféra narguer le pouvoir, et ses Récits fantastiques, écrits à partir de 1955 et parus dès 1958 en France sous le pseudonyme d'Abram Tertz, ainsi que son article ironique sur « Le Réalisme socialiste », défièrent le K.G.B. jusqu'à ce qu'enfin il soit arrêté au début de 1966, et jugé, en compagnie de Youli Daniel, pour « antisoviétisme ». Une condamnation à sept ans de bagne fut pour Siniavski « le prix de la métaphore ». Toute son esthétique sort de cet embryon clandestin, où l'écrivain se compare lui-même aux gens du cirque, toujours en danger, toujours coupables d'hyperbole...

Messieurs, la cour (1959), qui décrivait à l'avance son arrestation, et Bonne Nuit, dernier roman publié en 1984, ouvrent et closent le cercle de son œuvre : ce sont deux tentatives de biographie fantastique, où l'auteur apparaît comme un « enfant dernier-né du stalinisme », avec sa noire aura de classicisme et de terreur. Bonne Nuit, invitation au sommeil d'une humanité secouée par la folie, est centré sur la figure de son père, devenu dément, parcourant avec son fils une forêt impénétrable où il se croit télépathiquement branché sur les tables d'écoute du K.G.B. Un K.G.B. qui s'intéressait de près au jeune Siniavski, condisciple de la propre fille de Staline ainsi que de la seule étudiante étrangère dans le Moscou de cette fin de stalinisme. De quoi nourrir de fantastique tant le roman que la vie de l'écrivain, qui transcrit dans son art son jeu du chat et de la souris avec les services secrets. Bonne Nuit, qui s'ouvre par un duo avec le magistrat bourreau, est à la fois « féerie » stalinienne et crise de schizophrénie.

En 1973, un an après sa libération anticipée, l'écrivain quitte l'U.R.S.S. pour la France en compagnie de sa femme et de leur fils. Le professeur Siniavski donne à la Sorbonne des cours sur le folklore russe, la Russie sainte et ses naïves croyances, tandis que l'écrivain Abram Tertz scandalise une émigration attachée au bien-dire, par des livres-brûlots où le vocabulaire indécent du goulag voisine avec une libre méditation sur l'art. L'éditeur Siniavski publie les auteurs les plus sulfureux, comme Limonov, ou les articles les plus provocateurs dans Syntaxis, la revue domestique, que sa femme, Maria Rozanova, et lui éditent, composent, distribuent.

La rupture avec Soljenitsyne, puis avec Vladimir Maximov, plaça Siniavski dans une position d'hérétique qui était visiblement la seule qui lui convenait. Après la perestroïka, le couple Siniavski retourne plusieurs fois en Russie, et prend position contre « les démocrates », s'alliant avec les dénonciateurs du nouveau « génocide », anciens communistes ou nouveaux nationalistes. On vit donc des interviews de Siniavski là où l'on n'aurait jamais pensé les voir, en particulier dans la Pravda. Mais s'il avait vécu plus longtemps, Siniavski n'aurait-il pas à son tour « trahi » ces nouveaux alliés ?

Abram Tertz, son pseudonyme juif tiré du folklore d'Odessa, qui désigne un brigand légendaire, dit bien le désir qu'eut toujours Siniavski de se camoufler dans les marges, comme un sans domicile fixe de la littérature, un dissident-né. Tertz découvrit sa profonde intimité avec le peuple durant ses six ans de bagne, d'où il rapporta trois textes, dont son chef-d'œuvre : Une voix dans le chœur (1973). Ces textes passaient la censure sous la forme de lettres à sa femme. L'esthétique aléatoire des pensées « à l'improviste » de Tertz, l'arbre pulmonaire de sa respiration cosmique, le jeu du hasard et de la nécessité entre vie et écriture sont les grands thèmes[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Genève, recteur de l'université internationale Lomonosov à Genève, président des Rencontres internationales de Genève

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  • EXIL LITTÉRATURES DE L'

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    ...1917, comme Vladimir Nabokov, ou un peu plus tard, dans les soubresauts des divers totalitarismes, l'exil apparaît, certes, comme une voie de salut. André Siniavski saura le célébrer, lui qui, délivré de la nostalgie par le séjour en prison, voit l'émigration comme « avant tout un endroit sur terre...
  • RUSSIE (Arts et culture) - La littérature

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    • 7 médias
    ...lui pour résister à l'appareil conservateur qui a pour principal organe la revue Oktjabr' (Octobre). En 1965, l'arrestation du critique André Siniavski (Sinjavskij, 1925-1997) et du traducteur Iouli Daniel (Daniel', 1925-1988), coupables d'avoir publié à l'étranger sous un pseudonyme des récits...