MARVELL ANDREW (1621-1678)
Ami de Lovelace et panégyriste de Cromwell, puritain aux accents cavaliers dans sa poésie profane, émule de Donne, épris d'élégance classique, auteur d'inspiration pastorale et « métaphysique », précieuse et satirique, Marvell révèle et dissimule, sous la transparence moirée de son style, les contours et les contrastes d'une personnalité ambiguë.
Sa poésie lyrique est le reflet juste et brillant d'une culture éclectique, l'expression parfaite d'une société qui, dans un cercle restreint, en un moment privilégié, sut allier la force à la grâce, l'outrance à la sobriété, l'aisance désinvolte à la considération passionnée des fins dernières de l'homme.
Au service de la patrie
Andrew Marvell naquit à Winestead (Yorkshire) d'un père « facétieux et pourtant calviniste », élu prédicateur par les négociants de Hull. Dès 1633, boursier à Trinity College, qui tenait alors à Cambridge le juste milieu entre le puritanisme et le ritualisme, il entend prêcher Whichcote, théologien rationaliste et platonisant, mais son père doit l'arracher à la séduction des jésuites. Quand la guerre civile éclate, loin de prendre parti, il voyage sur le continent. Sa verve satirique s'exerce aux dépens d'un émigré catholique rencontré à Rome, Richard Flecknoe, et plus tard prendra pour cible la Hollande (The Character of Holland). D'Espagne, il garde l'image du toril. À son retour en Angleterre sa sympathie semble acquise aux Cavaliers. Il salue en R. Lovelace son « noble ami », raille la démocratie dans son élégie sur lord Hastings, et témoigne encore de sentiments royalistes dans La Mort de Tom May (Tom May's Death), à la fin de 1650. Cependant, L'Ode horatienne (An Horatian Ode) composée quelques mois plus tôt rend hommage à la fois au roi martyr et au héros triomphant, Cromwell. Peu après, il entre au service de lord Fairfax, chef des armées parlementaires. Précepteur de sa fille Mary, dont la grâce enfantine est évoquée dans ses poèmes, il écrit des œuvres d'inspiration pastorale dans le manoir de Nun Appleton où ce grand seigneur humaniste s'est retiré. La retraite ne satisferait-elle pas le chantre de la solitude ? Il cherche un emploi dans l'administration cromwellienne. Il l'obtient en 1657, sur la recommandation de Milton qu'il assiste dans ses fonctions de secrétaire d'État. Ses concitoyens de Hull l'élisent au Parlement en 1659. Ils l'y renvoient à la Restauration. Parlementaire et diplomate, le panégyriste du Protecteur ne connaît pas la disgrâce sous Charles II : il protège à son tour Milton. Le comte de Carlisle l'emmène en Moscovie. À Londres, il fréquente le Rota Club, apprécie les vins, se mêle aux petits-maîtres. Cependant les défaites de l'Angleterre, l'indignité des gouvernants, l'intolérance envers les Dissidents suscitent l'indignation du patriote et du puritain. Sa virulence satirique éclate, en vers dans Dernières Instructions à un peintre (The Last Instructions to a Painter, 1667-1774), en prose dans La Répétition mise en prose (The Rehearsal Transpros'd, 1672-1673) et M. Smirke ou le Théologien à la mode (Mr. Smirke, or The Divine in Mode, 1676), pamphlets dont les titres font écho à des comédies de Buckingham et d'Etherege. Sa dernière œuvre de combat, Relation des progrès du papisme (An Account of the Growth of Popery), inquiète le gouvernement en 1677. Il meurt l'année d'après, et ses Poèmes variés (Miscellaneous Poems) ne seront publiés qu'en 1681 par une « veuve » fictive : il ne s'était point marié.
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Écrit par
- Robert ELLRODT : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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