ANDROMAQUE, Jean Racine Fiche de lecture
Après avoir polémiqué avec ses anciens maîtres jansénistes de Port-Royal en défendant le théâtre dans un pamphlet anonyme (Lettre à l'auteur des « Hérésies imaginaires », 1666), Jean Racine (1639-1699) conquiert la cour. Henriette d'Angleterre, belle-sœur du roi Louis XIV, assiste aux lectures préliminaires d'Andromaque, les comédiens de l'hôtel de Bourgogne répètent avec l'auteur, et, le 17 novembre 1667, la pièce est donnée au Louvre, dans l'appartement de la reine Marie-Thérèse, et devant le roi, qui applaudit. La ville confirme le succès : on vient en foule pleurer à ce spectacle galant. La pièce est publiée dès janvier 1668.
L'enchaînement des passions
Dans cette pièce, Pyrrhus, roi d'Épire et fils d'Achille, revient de la guerre de Troie avec Andromaque, veuve d'Hector, pour captive. Il est amoureux d'elle au point de repousser son mariage avec Hermione, fille du roi de Sparte Ménélas et d’Hélène, et veut obliger Andromaque à lui céder sa main sous peine de tuer Astyanax, son fils. Oreste, fils d’Agamemnon, envoyé par les Grecs, inquiets, pour s'emparer de l'enfant, et lui-même amoureux d'Hermione, espère que Pyrrhus ne cédera pas à leur demande et lui abandonnera sa fiancée. De son côté, Andromaque résiste aux injonctions de Pyrrhus qui lui représente pourtant la menace des Grecs, si bien qu'il finit par se déclarer prêt à livrer Astyanax : Hermione triomphe, repousse les pleurs d'Andromaque, tandis qu'Oreste désespère. Toutefois, une entrevue entre le roi d'Épire et l'épouse d'Hector change tout, puisque Andromaque accepte enfin d'épouser Pyrrhus pour sauver son fils. Ce qu'elle lui cache, c'est qu'elle compte se tuer une fois qu'elle aura obtenu pour son enfant une protection durable. Hermione, éperdue de douleur et de rage, incite alors Oreste à tuer Pyrrhus. Mais, dès qu'elle apprend la nouvelle de sa mort, Hermione repousse l'assassin et va s'immoler sur le cadavre du roi. Quant à Oreste, il devient fou.
Cette troisième tragédie de Racine, fondée sur l'histoire et la mythologie grecques, s'accorde au goût du temps, en le dépassant : on y retrouve la structure à cinq de la pastorale galante, celle d'Alexandre le Grand (1665), à ceci près que le dernier maillon, représenté ici par le souvenir magnifié d'Hector, précipite la fable vers le tragique. La fameuse chaîne des amours non partagées exclut la résolution galante, et les deux mariages de la fin ne peuvent plus avoir lieu puisque Hector, idéalisé, ne saurait changer.
Dans cet univers galant, la tragédie vient de ce que tous les personnages restent arrimés à leur passion, dévorante, se montrant aveugles à celle des autres. Oreste, énergique et violent, se heurte à son ignorance fondamentale de la passion d'Hermione. C'est lui qui déclenche la machine tragique, qui ne s'arrêtera plus avant d'avoir vidé la scène et accompli les destinées. Devant un destin immuable dont on ne connaît pas l'origine, personne n'a pu céder, personne n'a pu élaborer une conduite cohérente, au point qu'il devient possible de créer le tragique en retournant des effets tout droit venus de la comédie (la scène de dépit amoureux à l'acte III, scène 6, le montre fort bien). Dès lors, il devient possible de s'arrêter sur les métaphores amoureuses des feux et des regards de l'amour, et de les prendre pour ce qu'elles sont : des mots qui brûlent, des regards qui tuent, autant d'armes dont disposent des personnages, qui oscillent entre l'espoir et la fureur, avant de sombrer sous les coups d'une divinité dont ils ignorent tout. Cette pièce n'est pas seulement désespérée : Andromaque et son fils, eux, sont finalement épargnés par le destin.[...]
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Écrit par
- Christian BIET : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Média
Autres références
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FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.
- Écrit par Patrick DANDREY
- 7 270 mots
- 3 médias
...de son jeune rival, Racine qui, après deux essais encore incertains (La Thébaïde, 1664 ; Alexandre, 1665), va affirmer sa manière en 1667 avec Andromaque dont le triomphe renouvelle celui du Cid trente ans plus tôt. Racine a su renouer avec le génie de la tragédie antique en l’adaptant au goût...