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ANDROMAQUE, Jean Racine Fiche de lecture

La fidélité, mécanisme tragique

Racine ne part pas, pour écrire sa pièce, de simples références antiques (l'Andromaque d'Euripide et, surtout, L'Énéidede Virgile). Le Pyrrhus (1665) de Thomas Corneille demeure dans tous les esprits. C'est à partir de la tragédie politique à fin heureuse que Racine décide d'instituer un genre différent. De la pièce de Thomas Corneille, il conserve l'idée du choix imposé, qui n'a rien de particulièrement original en ce temps, mais qui permet de mieux formaliser le tragique de la pièce. Racine vise d'autres objectifs : la sœur (ou l'amante) devient désormais, conformément aux données mythologiques, un personnage de veuve fidèle et de mère dévouée : « Par une main cruelle, hélas ! j'ai vu percer/ Le seul où mes regards prétendaient s'adresser./ Ma flamme par Hector fut jadis allumée ;/ Avec lui dans la tombe elle s'est enfermée./ Mais il me reste un fils... » En outre, Racine sait que Pyrrhus portait sur la légitimité du roi. Il s'agit donc d'édifier un poème tragique autour de la chute de Troie. Andromaque, femme exilée, chassée d'une Troie déchue, incarne la fidélité féminine, le vestige inaltérable d'un couple parfait : un mari, une femme, un fils ; ou encore : un roi, une reine, un dauphin. Devant cette pathétique fidélité, la passion du roi d'Épire ne peut rien, sinon en détruire la dépositaire. En plaçant Andromaque devant le choix tragique – rompre avec sa fidélité pour sauver son fils ou la préserver et voir ce fils assassiné –, Pyrrhus, conduit par ses passions, cherche à détruire jusqu'à l'image de l'Éden disparu. Astyanax, préservé à des fins de démonstration politique, représente l'innocence et la légitimité devant la puissance tyrannique. Il se révèle être le véritable recours, le monarque futur qui seul peut renouveler le pouvoir érodé. Discrètement, il triomphe, parce qu'il est seul capable, grâce au combat victorieux de la fidélité maternelle, de renouer avec l'Éden politique et familial d'avant la chute de Troie.

— Christian BIET

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Écrit par

  • : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre

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Jean Racine, F. de Troy - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Jean Racine, F. de Troy

Autres références

  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.

    • Écrit par
    • 7 270 mots
    • 3 médias
    ...de son jeune rival, Racine qui, après deux essais encore incertains (La Thébaïde, 1664 ; Alexandre, 1665), va affirmer sa manière en 1667 avec Andromaque dont le triomphe renouvelle celui du Cid trente ans plus tôt. Racine a su renouer avec le génie de la tragédie antique en l’adaptant au goût...