WAJDA ANDRZEJ (1926-2016)
Andrzej Wajda est né le 6 mars 1926 à Suwałski, dans le nord-est de la Pologne. Issu d'une famille bourgeoise, fils d'un officier de carrière tué à Katyń au début de la Seconde Guerre mondiale, il s'engage à seize ans dans la Résistance contre les Allemands. À la Libération, il s'intéresse d'abord à la peinture (Académie des beaux-arts de Cracovie) avant de choisir une carrière de cinéaste (école de cinéma de Łódź). Après avoir été l'assistant d'Aleksander Ford, il réalise une quarantaine de films, de Génération (1955) aux Fleurs bleues (2016). Entre 1955 et 2005, il tourne six documentaires et huit films pour la télévision. Entre 1959 et 1988, il signe également une vingtaine de mises en scène pour les théâtres de Varsovie et de Cracovie. La réalisatrice Haifaa al-Mansour lui a consacré en 2012 un film, Wajda.
L'œuvre de Wajda est d’une grande diversité. Le cinéaste adapte une nouvelle de Leskov (Lady Macbeth sibérienne,1961), des romans de Conrad (La Ligne d'ombre,1976), Konwicki (Chronique des événements amoureux,1986) et Dostoïevski (Les Possédés,1988). Il transpose le climat romantique de deux nouvelles d'Iwaszkiewicz dans Le Bois de bouleaux (1970) et Les Demoiselles de Wilko(1979). Réalisé en hommage à l'acteur Zbigniew Cybulski – l'inoubliable Maciek de Cendres et diamant (1958) –, Tout est à vendre (1969) rappelle Huit et demi de Fellini (1963). Mais cette œuvre, ample et grave, riche de sensibilité et d'humanité, porte avant tout le témoignage d'un cinéma politique qui exalte la Pologne et le combat pour la liberté. Dans la tradition des motifs romantiques de Mickiewicz (Dziady, Pan Tadeusz) et Słowacki (Kordian), elle s'enracine dans l'histoire souvent tragique de ce pays depuis l'aube du xixe siècle.
Cendres (1965) évoque le sacrifice inutile des soldats polonais incorporés dans les troupes de Napoléon qui envahissent l'Espagne en 1808. Dans Les Noces (1973), transposition de la pièce de Wyspiański, les fantômes et les spectres sont autant de figures allégoriques d'un appel à la révolte en 1900, alors que les nobles et les intellectuels de Cracovie, incapables d’agir, demeurent figés dans l'attente d'une insurrection paysanne qui chasserait de Pologne la Prusse, l'Autriche-Hongrie et la Russie.
Les charges héroïques d'un escadron de lanciers, emmené par une superbe jument blanche, contre les tanks allemands en septembre 1939 (Lotna, 1959), la fuite désespérée, en août 1944, des résistants dans les égouts de Varsovie dont aucun ne sortira vivant (Kanal, 1957), le massacre, au printemps 1940, de milliers d'officiers par la police politique soviétique (Katyń, 2007), l'antisémitisme dans le ghetto de Varsovie (Samson, 1961 ; Korczak, 1990 ; La Semaine sainte, 1995) évoquent les souffrances de la Pologne envahie par l’Allemagne et l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le combat pour la liberté est la pierre d'angle des deux films les plus célèbres de Wajda. L'Homme de marbre (1977) remet en question les mythes du stakhanovisme et du réalisme socialiste au cours des années 1950 à partir d'une enquête que conduit en 1976 une étudiante sur un travailleur de choc dans le secteur industriel de Nowa Huta. Le film met en évidence la tendance spécifiquement stalinienne à rectifier l'histoire en fonction d'une ligne idéologique. Suite directe de L'Homme de marbre, L'Homme de fer, palme d'or du festival de Cannes 1981, brouille les frontières entre fiction et documentaire pour relater les grandes grèves des chantiers navals de la mer Baltique et, sous l'impulsion de Lech Wałęsa, l'action du syndicat Solidarność qui aboutit aux accords de Gdańsk en août 1980. Portrait de Lech Wałęsa et de son engagement politique depuis 1968, L'Homme du[...]
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Écrit par
- Michel ESTÈVE : docteur ès lettres, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, critique de cinéma
Classification
Média
Autres références
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