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WARHOL ANDY (1928-1987)

La vie comme œuvre

« J'ai commencé comme artiste commercial, et je veux finir comme artiste d'affaires », remarque abruptement Warhol. Après avoir fait ce qu'on appelle « de l'art » (ou ce qu'on veut), je me suis mis à l'art des affaires ». L'artiste s'oppose ainsi radicalement aux conceptions de « l'art pour l'art » comme au credo moderniste du caractère auto-référentiel de l'œuvre. Il existe pour Warhol une certaine volupté à contaminer l'art avec des valeurs qui lui sont traditionnellement extérieures, à le faire se compromettre avec l'argent, le commerce, mais aussi avec le politique, le trivial, voire le criminel...

En 1963, l'année où il loue un local pour y installer ses ateliers au 231 East Forty-Seventh Street, qui deviendra la Factory, Andy Warhol réalise son premier film en 16 millimètres : Sleep. Cette œuvre, d'une durée de six heures, constituée de séquences de dix minutes, chacune répétée plusieurs fois, montrant un homme qui dort, sera à l'origine d'une activité cinématographique intense jusqu'en 1968. La centaine de films qu'il réalise constitue une contribution décisive au cinéma, mais c'est à l'évidence pour lui une manière de continuer la peinture par d'autres moyens. La manière si personnelle de Warhol d'utiliser le plan fixe, le temps réel, les moindres événements de la vie quotidienne, les acteurs non professionnels anticipe l'importance du rôle décisif que joue aujourd'hui l'image animée dans l'art contemporain. Ses films ne sont jamais montrés de façon traditionnelle mais toujours liés à un dispositif : double écran, surimpression, permutation des séquences, etc. Kiss (1963), Empire, Harlot (1964), Kitchen, My Hustler (1965), The Chelsea Girls (1967), Blue Movie (1968) restent les principaux jalons d'une démarche qui déstabilise les codes du cinéma, fût-il d'avant-garde. Warhol utilise dans ses films tous les protagonistes (artistes, danseurs, musiciens, poètes, critiques d'art ou cinéastes) connus ou inconnus de la scène new-yorkaise (Gérard Malanga, John Giorno, Robert Indiana, Jonas Mekas, Nico, Ultra Violet, Viva, Gregory Battcock, Joe Dallessandro...). Cette frénésie cinématographique s'accompagne d'un développement croissant du rôle, aussi bien festif que productif, de la Factory. En 1965, il rencontre le groupe rock Velvet Underground, qu'il dirigera et produira l'année suivante. Mais après la tentative d'assassinat dont il est victime, en 1968, Warhol s'éloigne de plus en plus du cinéma. C'est désormais Paul Morissey qui tourne les films qu'il produit (Flesh, 1968 ; Trash, 1970 ; Beethoven's Nephew, 1985, etc.). Mais Warhol n'abandonne pas pour autant l'audiovisuel, puisqu'il réalisera jusqu'à sa mort des programmes de télévision en compagnie de Vincent Fremont.

À partir de 1972, il se remet à peindre et réalise sa série des Mao ainsi que les portraits de nombreuses célébrités (Mick Jagger, la princesse Caroline, Michael Jackson, le shah d'Iran, Sylvester Stallone...). S'il n'abandonne pas ses sujets de prédilection, son intérêt pour la « picturalité » s'affirme dorénavant avec ostentation, que ce soit par l'utilisation de procédés inusités (Oxidation Painting, Shadows, 1978), de techniques diverses (Rorschach Series, 1984, Camouflage, 1986), ou plus simplement par le recours à des sujets empruntés à la peinture classique (Skulls, 1976 ; The Last Supper, 1986). Warhol meurt le 22 février 1987, à la suite d'un accident opératoire, laissant l'image d'un artiste qui, avec dandysme et opiniâtreté, a réussi à faire coïncider étroitement son œuvre et sa vie.

— Bernard MARCADÉ

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Écrit par

  • : critique d'art, professeur d'esthétique à l'École nationale d'arts de Cergy-Pontoise

Classification

Média

Andy Warhol et le Velvet Underground - crédits : Herve Gloaguen/ Gamma-Rapho/ Getty

Andy Warhol et le Velvet Underground

Autres références

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