GABRIEL ANGE JACQUES (1698-1782)
L'École militaire
L'École militaire fut créée pour cinq cents jeunes gentilshommes destinés au métier des armes. En méditant cette fondation, Mme de Pompadour et son protégé Pâris-Duverney désiraient attacher à Louis XV la noblesse d'épée, alors que semblait fléchir le dévouement des autres classes envers la Couronne. Leur intention fut d'élever le plus grand monument du règne et de faire pour les fils de la noblesse ce que Mme de Maintenon avait fait à Saint-Cyr pour les filles. Le programme, établi en 1751 par Pâris-Duverney, prévoyait une église desservie par les prêtres de la Mission, une infirmerie confiée aux Sœurs grises, cinq cents chambres d'élèves, de dix pieds sur douze, ouvrant sur des corridors chauffés. Il fallait loger cinquante officiers, un intendant, un chirurgien, un tailleur, un bottier... Cuisines, manèges, buanderie, latrines et autres locaux devaient être nettoyés par un système de pompes et d'égouts collectant les eaux pluviales et descendant à la Seine.
Après une première esquisse de Gabriel écartée d'emblée comme trop ambitieuse, le projet de 1753 plaça l'entrée du bâtiment vers le Champ-de-Mars. De ce côté, un édifice d'apparat, le « château », était formé de cinq pavillons réunis en chaîne par des constructions plus basses. Derrière lui s'étendait la cour d'honneur précédant l'église, située dans l'axe principal du monument. De 1753 à 1756 furent édifiés, vers l'avenue Duquesne, des bâtiments simples où l'institution put commencer à vivre. Là se trouve, à la croisée de deux corps de logis, la belle chapelle de l'infirmerie, devenue vestibule du mess, où quatre tribunes entouraient un autel central.
Le projet général fut réduit après l'expulsion de France des Jésuites (1764), qui permit l'établissement d'une autre école dans l'ancien collège de La Flèche. Ce fut alors que Gabriel inversa son plan et fixa l'entrée vers la place de Fontenoy. Le château menaçait d'être étouffé par des bâtiments plus indispensables au fonctionnement d'une grande école ; mais la nécessité de fermer dignement la nouvelle perspective du Champ-de-Mars autorisa Gabriel à donner au château des proportions majestueuses : deux ailes flanquent un pavillon dont le dôme carré rappelle ceux du Louvre et de Clagny. Seul un ordre colossal, embrassant les étages de ce pavillon, orne ici judicieusement la façade. Gabriel a réservé les ordres superposés à la cour ouverte sur la place de Fontenoy, dont le visiteur peut apprécier de plus près la modénature particulièrement robuste et personnelle : le dorique redevient ici l'ordre des guerriers.
La chapelle, qui n'avait plus sa place de ce côté, fut aménagée dans le château, où elle occupe la hauteur d'un rez-de-chaussée et d'un entresol. En surmontant cette difficulté, Gabriel trouva l'occasion d'une réussite. Enveloppée de colonnes engagées dans les murs, la chapelle est couverte d'une voûte en anse de panier, au tympan délicatement sculpté par Guibert. Les salons du rez-de-chaussée ont fait place à la bibliothèque de l'École de guerre. Un escalier monumental, dont la rampe, forgée par Fayet, est l'une des plus somptueuses du siècle, conduit au salon du Conseil, aujourd'hui salle des maréchaux. D'une cour à l'autre, les immenses bâtiments de l'école sont desservis par des galeries voûtées d'une gravité quasi monacale. Après 1780, l'exécution des plans de Gabriel fut conduite à son terme par Alexandre Brongniart. Les deux ailes qui allongent la façade sur l'avenue de La Motte-Picquet sont une adjonction du xixe siècle.
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Écrit par
- Michel GALLET : conservateur du Patrimoine en chef de la Ville de Paris, membre associé de l'Académie d'architecture
Classification
Médias
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