GANIVET ÁNGEL (1865-1898)
Écrivain espagnol né à Grenade, diplomate de carrière, Ganivet fut consul à Anvers, Helsingfors (Helsinki) et Riga ; à la suite d'une passion malheureuse, il se suicida, en se noyant dans la Daugava (Dvina). Son œuvre, brève, écrite dans un style familier et ironique, reflète un esprit inquiet et perspicace, toujours soucieux du destin de son pays. Il peut être considéré comme un précurseur de la « génération de 1898 » qui prit conscience du « problème de l'Espagne » après la défaite de 1898 dans la guerre conduite contre les États-Unis. Selon son ami Unamuno, il fut « un homme de passion, plus que d'idées, qui sentait les choses, plus qu'il ne réfléchissait sur elles... »
Idearium español, 1897, son œuvre majeure, propose une réflexion originale sur « l'identité espagnole » – que Miguel de Unamuno avait tenté lui aussi de mettre en lumière dans une suite d'essais publiés sous le titre de En torno al casticismo (L'Essence de l'Espagne, 1895). La première partie, fondée sur l'analyse des grands traits de l'Espagne historique, religieuse et artistique, analyse le tempérament espagnol : le stoïcisme, hérité de Sénèque, qui se manifeste dans l'esprit d'indépendance et l'individualisme, en est la marque dominante. Ces principes le résument : « Ne te laisse vaincre par rien qui soit étranger à ton esprit ; pense que tu portes en toi comme un axe de diamant autour duquel tournent les faits mesquins qui forment la trame de l'existence quotidienne, et, quels que soient les événements qui tombent sur toi, tiens-toi de telle sorte ferme et droit que l'on puisse au moins dire toujours de toi que tu es un homme. » À cela s'ajoutent l'empreinte du mysticisme chrétien et la passion héritée des Arabes. La deuxième partie, consacrée à la politique de l'Espagne, dénonce la perte d'énergie provoquée par les guerres à l'extérieur du pays, ou par les conquêtes outre-mer. Elle invite à une concentration des forces vitales recentrées sur le territoire de la mère patrie, avec cette recommandation que « tout ce qui se construira en Espagne avec un caractère national devra être fondé sur les piliers de la tradition » ; et l'auteur ajoute : « nous pourrons recevoir des influences étrangères, mais tant que ce qui vient de l'extérieur ne sera pas soumis à ce qui est espagnol, nous ne redresserons pas la tête ». La troisième partie dénonce le défaut majeur des Espagnols : le manque de volonté, la fameuse desidia (aboulie, inertie), cause profonde de « la ruine spirituelle » à laquelle il s'agit de remédier en fomentant une nouvelle conscience nationale. Une idéologie traditionaliste, défiante à l'égard du progrès technique ou social, et une célébration des gloires du passé inspirent cet ouvrage résolument optimiste. Mais, par la foi affirmée avec force en l'avenir d'une Espagne se retournant sur elle-même pour y puiser des forces vives et renaître, l'Idearium se distingue des réflexions critiques des « écrivains de la génération de 1898 », plus pessimistes, et incitant au contraire l'Espagne à s'ouvrir à l'Europe.
Ganivet publia également deux romans à caractère satirique, prétextes à exposer ses idées de réforme de la société ou de l'individu : La Conquista del reino Maya por el último conquistador Pío Cid (La Conquête du royaume Maya par l'ultime conquérant Pío Cid, 1897), fable sur l'impérialisme qui contient une charge sévère contre la civilisation moderne, et Los Trabajos del infatigable creador Pío Cid (Les Travaux de l'infatigable créateur Pío Cid, 1898) qui reprend, avec des éléments autobiographiques, des motifs traités dans l'Idearium. Outre une évocation idéale de sa ville natale (Granada la bella, 1895) et de la Finlande[...]
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Écrit par
- Bernard SESÉ : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
Classification
Autres références
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ESPAGNE (Arts et culture) - La littérature
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