KAUFFMANN ANGELICA (1741-1807)
L'œuvre abondante et diverse d'Angelica Kauffmann s'étend sur une demi-siècle, et intéresse une grande partie de l'Europe du xviiie siècle. Ce peintre, né en Suisse, vit à Rome, essaie de s'installer à Londres, travaille pour les cours d'Italie, d'Allemagne, de Russie, et fréquente une grande partie de l'élite intellectuelle : Goethe, Klopstock par exemple. La carrière d'Angelica Kauffmann est précoce ; à douze ans, élève de son père, elle exécute à Milan, Parme, Bologne et Florence de nombreuses copies et peint à Bregenz, en Autriche, des portraits qui la font remarquer. Son premier séjour à Rome date de 1763 ; c'est la ville où elle s'affirme au contact des cercles artistiques et littéraires : elle y rencontre Winckelmann, une des personnalités les plus en vue, dont elle peint le portrait, et elle admire l'œuvre d'Anton Raphaël Mengs, le peintre romain qui règne alors. À Rome encore, elle prend des leçons de perspective et d'architecture qui l'aident dans l'élaboration d'un style décoratif qui évoque les recherches de Clérisseau ou de Piranèse. Agréée à l'académie de Saint-Luc (1765), ses portraits la rendent célèbre, et elle fréquente la colonie britannique de Venise et de Rome, qui la détermine à partir pour l'Angleterre. Le séjour durera quinze années. Remarquée par le prince de Galles, elle devient rapidement le portraitiste de la haute société. Ce qui ne l'empêche pas de fréquenter des personnalités originales mais beaucoup moins mondaines ; elle sera quelque temps la maîtresse d'un jeune médecin obscur, venu de la principauté de Neuchâtel et qui vit alors en Angleterre : Jean-Paul Marat. Fêtée, reçue parmi les fondateurs de la Royal Academy (1768), ses toiles figurent à la première exposition de la nouvelle société d'artistes. En dépit de son succès, Angelica n'aura jamais la première place de peintre d'histoire et de portraits occupée par Reynolds. Du moins fait-elle triompher son sens du décor intérieur en donnant de nombreux projets pour les appartements des demeures édifiées à Londres par Adam. L'équipe de l'architecte est composée de nombreux décorateurs, et parmi eux se trouve le peintre vénitien Antonio Zucchi qu'Angelica épouse en 1781, peu avant de rentrer en Italie. À Venise, le grand-duc Paul lui achète deux toiles et, en 1782, Angelica s'installe définitivement à Rome, malgré un voyage à Naples où la reine essaie de l'attacher à la cour. Dans sa maison romaine, elle reçoit les voyageurs illustres et correspond avec l'Europe entière. Angelica Kauffmann aura essayé tous les genres. Le portrait d'abord lui a assuré un grand succès mondain, évoluant vers l'expression sentimentale et mélancolique qui convient bien à la génération de Werther. Elle se veut aussi peintre d'histoire, prenant son inspiration dans la mythologie (Bacchus et Ariane, 1764) et aussi dans l'histoire médiévale (Abélard et Héloïse) ou dans la littérature. En cela l'œuvre d'Angelica est le reflet d'une sensibilité nourrie par La Jérusalem délivrée du Tasse (Renaud et Armide), par les pièces de Shakespeare (Miranda) et déjà par les Poèmes d'Ossian, appelés à devenir une source d'inspiration, nouvelle mythologie qu'Angelica est la première à illustrer. Mais la plupart de ses toiles, de ses dessins et de ses gravures sont consacrés à des scènes allégoriques ou décoratives qui manquent de puissance et d'originalité ; cet art n'en sera pas moins copié par de nombreux peintres, ornemanistes et graveurs. Le « style Angelica Kauffmann » se retrouve sur les meubles peints, les boiseries, les stucs produits en série, les vases de Josiah Wedgwood imités par d'autres manufactures. Les historiens apprécient différemment[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre MOUILLESEAUX : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites
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