RINALDI ANGELO (1940- )
Romancier et critique, Angelo Rinaldi est né le 17 juin 1940 à Bastia, sur l'île de Beauté qu'il ne cite jamais mais évoque dans ses romans. Journaliste, il débute à Nice-Matin dans la chronique judiciaire, de 1965 à 1969. Un premier roman paraît chez Maurice Nadeau, La Loge du Gouverneur (1969, prix Fénéon), suivi de La Maison des Atlantes (1971, prix Femina). Il entre à L'Express en 1972 et commence sa chronique littéraire en 1976. En 1998, il entre au Nouvel Observateur, puis dirige Le Figaro littéraire de 2003 à 2005. Il collabore ensuite à Marianne. Il est élu à l'Académie française le 21 juin 2001.
Pour Angelo Rinaldi, seule la littérature atténue le pathétique de l'existence en scellant des instants qui retardent le moment fatal où tout bascule dans l'oubli. Vécue comme un absolu, cette conception de la littérature conditionne les choix du critique, l'amenant à s'en prendre à des auteurs reconnus, tels Alain Robbe-Grillet, Louis Aragon, Marguerite Duras, Michel Tournier, Philip Roth, Philippe Djian, Christine Angot, Michel Houellebecq... Certains, en revanche, trouvent grâce à ses yeux : Proust, Char, Michaux, Gracq, Beckett, Sarraute, mais aussi François Augieras ou Elizabeth Taylor
Ses recueils de critiques mettent au jour, par exemple, son consentement à chaque mot pesé chez Roger Grenier (Le Veilleur), éloigné de toute complaisance (Le Roman sans peine, 2012). Le chroniqueur aime Georges Bernanos, « celui dont les élans religieux ne sont pas nés du dégoût des choses de l'amour – voir Mauriac – ou des problèmes causés par la satisfaction des sens, lorsque le sentiment du péché la pimente – voir Jouhandeau, Green et, autrefois, Huysmans » (Dans un état critique, 2010).
De La Dernière Fête de l'Empire (1980) à Dernières Nouvelles de la nuit (1997), tous les narrateurs des romans de Rinaldi doivent leur survie à une lucidité prophétique, qui se nourrit de l'exploration patiente des replis de la mémoire et des souvenirs d'une enfance modeste. Ces solitaires vivent à présent pour leur compte à Paris dans la satisfaction d'une revanche sociale. Ils sont devenus les détenteurs d'une existence honorable mais désenchantée, même s'ils se sont hissés à la force du poignet à des postes enviés de journaliste ou de directeur financier. La férocité de l'écrivain est perceptible dans Les souvenirs sont au comptoir (2012). On y voit Conti, le narrateur, se remémorer une jeunesse humble auprès de sa mère veuve, patronne d'un bistrot de province. Sa clairvoyance et son humour tiennent à ce qu'il est né « vieux » pour avoir dès l'enfance observé l'humanité derrière un comptoir, une école d'hypocrisie qui révèle toutefois que les gens simples sont des personnes qu'on ne sait pas regarder. Celui qui a souffert la pauvreté dans son orgueil est d'une sensibilité à fleur de peau, enclin avec les mieux lotis aux querelles récurrentes, « où remontent en geyser de haine tout ce que l'on a enduré, supporté par le passé, et tant de capitulations devant les puissants, les supérieurs, les gradés, les patrons, que l'on s'imagine être le bras armé de générations précédentes qui n'en ont pas moins souffert et furent néanmoins obligées de baisser la tête ». L'homosexualité, vécue comme une malédiction, est un autre aspect du narrateur ou de ses personnages : « Surtout s'il avait entendu „Pédé“, bien qu'il ne sût de la chose pas tellement plus que du mot, avec l'impression qu'on lui plongeait une sonde dans l'estomac, il fonçait dans le tas... » Fort de la ténacité à ne pas céder face aux hommes et à la mort, par-delà l'enfance meurtrie, l'exil et l'impossibilité d'échapper à ses origines, Conti a traversé tant de milieux sociaux qu'il dit les reconnaître à leur gestuelle avant même d'avoir entendu la mélodie sociale des voix. Chez Angelo Rinaldi, tous les romans sont une libération par l'écriture[...]
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Écrit par
- Véronique HOTTE : critique de théâtre
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