ANGKOR
L' occupation de la région d'Angkor remonte au moins au Ier millénaire avant notre ère (connue par les fouilles de B.-P. Groslier) mais les premiers monuments ne datent que du viie siècle de notre ère ; ils se trouvent à l'ouest sur le Stung Puok. Le viiie siècle est marqué par des constructions dans le secteur de Rolûos. Elles s'y multiplient au ixe siècle après la « fondation » de la monarchie angkorienne (802) ; à la même période on bâtit aussi des temples sur le Phnom Kulên. Au début du xe siècle, le centre de gravité se déplace sur le Stung Siem Reap où se tient la capitale du Cambodge jusqu'en 1431 (sauf pendant le bref épisode de Koh Ker, env. 924-944). Le pillage de la ville par les Chams en 1177 est suivi d'une période de construction frénétique qui s'arrête vers 1220 et marque la fin de l'édification d'Angkor. Le retour temporaire de la cour au xvie siècle se traduit surtout par les premiers travaux de restauration à Angkor Vat.
L'exploration systématique et scientifique débute après la signature du Traité de protectorat (1864) bien qu'Angkor et sa région soient encore annexées par le Siam. Au lendemain de leur rétrocession au Cambodge (1907) est créée la Conservation d'Angkor, gérée par l'École française d'Extrême-Orient jusqu'au début des années 1970. On mène alors de front dégagements, recherches et restaurations ; les années 1930 voient les premières anastyloses (Banteay Srei) et la période 1960-1970 la première restauration d'un monument en brique (Prasat Kravanh) et l'ouverture de très grands chantiers (Bàphûon, Angkor Vat).
Les monuments ont peu souffert directement des combats qui se déroulent dans la région depuis 1970. Mais l'interruption des chantiers et l'absence de surveillance ont eu des résultats désastreux auxquels la Conservation d'Angkor rouverte sans moyens au début des années 1980 s'efforce de remédier avec l'aide internationale ; l'Inde apporte la sienne depuis 1986.
Destination des monuments
Les monuments khmers qui ont subsisté, parce qu'ils furent construits en matériaux durables, sont des sanctuaires. Entre 900 et 1220 furent édifiés à Angkor des temples çivaïtes (les temples-montagnes, qui abritent le lịnga-palladium du royaume), des sanctuaires vichnouites (dont le principal est Angkor Vat), des ensembles bouddhiques (principalement sous le règne de Jayavarman VII). La tolérance réciproque du vichnouisme et du çivaïsme dans un même temple semble avoir été de règle, chacune de ces deux religions ayant généralement considéré la divinité de l'autre comme un aspect secondaire de la sienne propre. Ces sanctuaires, les inscriptions nous l'enseignent, subsistaient grâce à une fondation, constituée de terres, de villages avec leurs habitants, d'esclaves, de serviteurs et de desservants héréditaires. Témoins d'une religion devenue, hors de l'Inde, essentiellement aristocratique, ces temples sont destinés à deux sortes de cultes, parfois associés dans un même sanctuaire lorsque celui-ci est un temple-montagne : le culte au bénéfice des parents, le culte de la divinité protectrice du royaume.
Le culte au bénéfice des parents
Les religions pratiquées sont venues de l'Inde, mais il est bien certain que, transplantées en pays khmer, elles ont intégré plutôt que détruit les croyances et l'organisation sociale des indigènes. C'est ainsi que la plupart des sanctuaires sont consacrés à des formes de ce « culte des ancêtres » que l'on trouve attesté dans tout l'Extrême-Orient. Seulement, ces temples contiennent des images de Viṣṇu, de Śiva, du Buddha, du bodhisattva Lokeśvara, de la Prajñāpāramitā. C'est uniquement par le nom propre qui leur est donné, composé de celui du défunt et de celui de la divinité, et non par l'apparence, que l'on sait avoir[...]
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Écrit par
- Bruno DAGENS : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Claude JACQUES : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (sciences historiques et philologiques)
- Albert LE BONHEUR : conservateur au Musée national des arts asiatiques-Guimet
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