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ANGKOR

Les monuments

Il n'est point question de faire ici une description détaillée de tous les monuments, mais seulement de placer dans leur succession chronologique les principaux d'entre eux et d'en donner les caractéristiques les plus marquantes.

Traces de la période préangkorienne

Avant que Yaśovarman (889-910 au moins) eût choisi d'établir sa capitale en ce site, les dynastes khmers du Tchen-la avaient déjà édifié des sanctuaires dans cette région. Nous en citerons deux : de la seconde moitié du viie siècle, Prasat Prei Kmeng, sanctuaire en brique qui, par la décoration sculptée de ses encadrements de portes (linteaux et colonnettes), a justifié la distinction d'un style à son nom ; du début du viiie siècle, Prasat Ak Yum, qui était déjà un temple-montagne (trois gradins, avec douze sanctuaires secondaires sur le deuxième gradin) ; ce monument très intéressant nous démontre que la forme architecturale du temple-montagne, qui est celle des principaux sanctuaires de la période angkorienne, était déjà en usage avant cette période, avant le règne de Jayavarman II.

La grande période angkorienne

Les monuments de Jayavarman II, situés en majorité sur le Phnom Kulên, sont, pour la plupart, réduits à quelques fragments de décor architectural. Les fondations du deuxième successeur de ce roi, Indravarman (877-889), se trouvent à Rolûos (Hariharālaya) ; c'est là que s'élabore la formule architecturale angkorienne, et qu'on y surprend, pour la première fois, ce que Philippe Stern a appelé « le rythme des fondations khmères ». D'abord, une fondation d'intérêt public : c'est le bassin d'Indra (Indrataṭāka), vaste pièce d'eau qui, répondant à des préoccupations rituelles, était propre à régulariser l'irrigation de la plaine environnante. Ensuite, un temple aux ancêtres, le sanctuaire de Preah Kô (879), aux six tours de brique stuquée. Enfin, le temple-montagne de Bàkong (881). Ce sanctuaire comprend, comme tout monument angkorien, des enceintes concentriques renfermant quantité de sanctuaires secondaires, sans compter tous les édifices en matériaux légers qui devaient exister et dont il ne reste plus trace. La partie centrale du sanctuaire est constituée par une pyramide à cinq gradins. Le sanctuaire supérieur, rebâti au milieu du xiie siècle, abritait le lịnga-palladium, divinité protectrice du roi et du royaume, dont le nom combine la partie importante du nom du roi lui-même, avec celui du Seigneur, Īśvara, désignation de Síva : Indreśvara, c'est-à-dire « le Seigneur Indra », et/ou « le Seigneur d'Indra (varman) » ; Indravarman voulant dire : « Celui qui a Indra pour protecteur » (littéralement, « cuirasse », varman).

L'œuvre monumentale de Yaśovarman (889-910, le roi « protégé par la gloire »), le fondateur de la première Angkor, Yaśodharapura (« la ville glorieuse »), obéit aussi au rythme décelé par P. Stern : le fils d'Indravarman fait d'abord édifier dans toutes les provinces de son royaume une centaine de monastères. En 893, il élève, dans un îlot placé au centre de l'Indrataṭāka – ce qui rattache cette fondation à l'œuvre de son père – le temple aux ancêtres de Lolei. Avant l'an 900, Yaśovarman « fonda la ville de Yaśodharapura et emmena le Devarāja hors de Hariharālaya pour le fixer dans cette capitale » (inscription de Sdok Kak Thom, d'après G. Coedès). Au nord-est de la ville, alimenté vraisemblablement par une prise sur le cours ancien du Stung Siem Reap, fut établi, par remblaiement des berges, l'immense bassin du Bàray oriental (le Yaśodharataṭāka) : long de 7 km et large de 2, il servit sans doute à régulariser l'irrigation des rizières, mais il était, d'abord, l'étang sacré, sur les rives duquel étaient fondés des monastères[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (sciences historiques et philologiques)
  • : conservateur au Musée national des arts asiatiques-Guimet

Classification

Médias

Angkor : le site - crédits : Encyclopædia Universalis France

Angkor : le site

Angkor Vat, Cambodge - crédits : Jerry Alexander/ The Image Bank/ Getty Images

Angkor Vat, Cambodge

Plan de la partie centrale d'Angkor Vat - crédits : Encyclopædia Universalis France

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