ANGKOR
L'évolution des fouilles archéologiques
À Angkor, et au Cambodge en général, la recherche proprement archéologique est demeurée pendant longtemps à un niveau assez élémentaire. Ce n'est pas qu'elle ait été volontairement négligée. Mais l'abondance des vestiges en surface, en particulier des temples qui nécessitaient des travaux d'entretien et de restauration souvent urgents, a fait que les ouvriers n'étant pas nombreux et en parant au plus pressé, seuls les monuments ont été dégagés et des fouilles de surface effectuées.
Après la guerre du Vietnam, que suivirent la triste période des Khmers rouges, l'occupation vietnamienne, le calme revint au début des années 1990. Un vaste programme international de restauration du site d'Angkor et de ses monuments a vu alors le jour, scellé par les accords dits de Tōkyō. Un comité de coordination des actions pour Angkor a été mis en place, co-présidé par les ambassadeurs de France et du Japon, dont le secrétariat est assuré par l'U.N.E.S.C.O. Des équipes venues d'Allemagne, de Chine, des États-Unis, de France, de Hongrie, d'Inde, d'Indonésie, d'Italie, du Japon et de Thaïlande se sont mises à l'ouvrage, joignant à la restauration des monuments des recherches techniques avancées portant sur leur stabilité, les maladies du grès, etc.
En outre, des équipes archéologiques, venues essentiellement de France, ont ouverts des chantiers. Les résultats de ces recherches sont d'ores et déjà considérables, à tous les niveaux de l'histoire.
L'histoire khmère a depuis plus d'un siècle été divisée en trois grandes parties, centrées sur Angkor, à savoir les périodes pré-angkorienne (jusqu'au début du ixe s.), angkorienne (du début du ixe à la fin du xiiie s.) et post-angkorienne. C'est dire que l'on ne s'intéressait guère à l'histoire d'Angkor avant le ixe siècle. Les fouilles entreprises par Bernard-Philippe Groslier dans les années 1960 avaient pourtant déjà révélé qu'Angkor recelait quelques traces de sites néolithiques.
Les recherches de Christophe Pottier, membre de l'École française d'Extrême-Orient, ont confirmé ce sentiment au-delà de toute espérance. Plusieurs campagnes de fouilles conduites dans la zone ouest du Baray (vaste bassin rectangulaire aménagé par des digues), ainsi que dans l'enceinte de celui-ci (site de Koh Ta Méas), ont permis de découvrir des sites d'habitats et plusieurs sépultures datant de l'Âge du bronze. Ainsi l'occupation « angkorienne » ne faisait que prolonger une implantation beaucoup plus ancienne, remontant au moins au Ier millénaire avant l'ère chrétienne.
Christophe Pottier a ensuite voulu savoir ce qui s'était passé dans la région d'Angkor avant que le roi Jayavarman II ne devienne roi suprême des Khmers en 802, fondant ainsi l'empire khmer. Là encore, les découvertes permettent d'entrevoir un bouleversement de l'histoire que l'on croyait assurée, qui voyait arriver soudain les rois à Angkor, tandis que le viiie siècle khmer se trouvait dans l'ombre, montrant un pays morcelé et sans personnalité royale remarquable. Les recherches conduites dans la région dite de Rolûos, où l'on voit apparaître les premiers rois, ont montré que le temple de Bakong était sensiblement plus ancien que ce qu'on pensait, ou plus exactement que le temple que l'on connaît, aménagé à la fin du ixe siècle, en recouvrait un autre, antérieur de 150 ans environ. C'était dire qu'en réalité la « fondation » d'Angkor ne datait pas de 802, mais seulement qu'à cette date un roi, Jayavarman II, s'était autoproclamé « empereur ». Les fouilles conduites non loin de ce temple, sur le site de Prei Monti, confirment ces vues : elles ont permis d'exhumer en particulier un matériel à base de[...]
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Écrit par
- Bruno DAGENS : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Claude JACQUES : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (sciences historiques et philologiques)
- Albert LE BONHEUR : conservateur au Musée national des arts asiatiques-Guimet
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Médias
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