ANGLAIS (ART ET CULTURE) Aquarelle
Du premier voyage de John Robert Cozens en Italie en 1776 à la mort de Turner en 1851, l'Angleterre a connu un âge d'or de l'aquarelle. Cette technique picturale, auparavant réservée au dessin topographique et architectural, a brusquement connu la faveur des artistes et de leurs clients au moment où les voyages sur le continent et dans les régions montagneuses des îles Britanniques se multipliaient. En même temps, elle a séduit ceux des peintres qui acceptaient mal les conventions académiques de l'art du paysage. Elle leur a permis de se forger un langage pictural original et de conférer au paysage une intensité émotionnelle nouvelle. Mais ce langage n'a pas toujours été compris et, après l'extraordinaire floraison des années 1780-1850, il a été presque oublié dès le milieu de l'époque victorienne, lorsque l'art de l'aquarelle, désormais affadi et vulgarisé, est devenu purement décoratif.
Le goût du paysage et l'esthétique du pittoresque
L' essor de l'aquarelle vers le milieu du xviiie siècle en Angleterre est lié à l'intérêt grandissant du public cultivé pour le paysage sous toutes ses formes : paysages naturels découverts en voyage, jardins paysagers, et, bien entendu, peinture de paysage, dont les collectionneurs britanniques étaient grands amateurs. Les aquarelles étaient des représentations plus maniables et moins coûteuses que les peintures à l'huile traditionnelles, et elles ont permis à une fraction plus large de la société britannique d'acquérir et d'accrocher aux murs de leurs demeures des vues de paysages connus d'eux-mêmes ou de leurs amis. Parmi les lieux favoris des amateurs de paysage, il faut d'abord citer ce que l'on pourrait appeler les lieux de la mémoire nationale : abbayes, cathédrales, châteaux forts et villes anciennes, qui fascinaient non seulement les érudits et les Antiquaires, mais aussi beaucoup d'admirateurs fervents du gothique. Les aquarellistes contribuèrent largement à flatter ces goûts en multipliant les vues de monuments et de sites historiques. Ces œuvres sont caractérisées par une maîtrise parfaite de la perspective et une attention minutieuse au détail architectural. Certains des premiers aquarellistes, comme Paul Sandby (1730-1809), avaient reçu une formation de topographe, et la précision du rendu passait pour eux avant l'originalité du point de vue ou le raffinement des tons.
C'est aussi le développement de l'édition d'art qui oriente certains peintres vers l'aquarelle, après le milieu du siècle. La possibilité de faire graver certaines de leurs œuvres en vue de leur publication dans de luxueux recueils était bien sûr une incitation à produire des aquarelles. Ainsi Thomas Hearne (1744-1817) travailla-t-il de 1778 à sa mort à toute une série de lavis et d'aquarelles qui furent gravés par William Byrne et publiés en 1807 sous le titre The Antiquities of Great Britain. Vers la fin du xviiie siècle, le procédé de l'aquatinte permettra même une reproduction mécanique (quoique de qualité très médiocre) de l'aquarelle, et contribuera à sa diffusion dans le public.
Si les aquarellistes ont flatté le goût britannique pour le passé national, ils ont également été au service des voyageurs qui, de plus en plus nombreux, parcouraient la Grande-Bretagne et l'Europe. Les Anglais du xviiie siècle, on le sait, ont inventé le tourisme, mais ils ont aussi été de grands consommateurs de souvenirs de voyage. Les milords emmenaient souvent dans leur suite un artiste chargé de dessiner les monuments et les sites célèbres traversés durant leur Grand Tour d'Europe. La carrière de William Pars (1742-1782) est exemplaire à cet égard. Sa courte vie est ponctuée de très nombreux voyages ; il se rendit notamment en Grèce et en Asie Mineure comme membre d'une expédition archéologique[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jacques CARRÉ : professeur à l'université de Clermont-Ferrand-II-Blaise-Pascal
Classification
Médias