ANGLAIS (ART ET CULTURE) Langue
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L'anglais américain
L'anglais utilisé en Amérique du Nord résulte des grands brassages dialectaux qui se sont produits aux premiers temps de la colonisation anglophone et principalement aux xviie et xviiie siècles, jusqu'à ce que la révolution américaine tarisse l'immigration anglaise.
Origines des particularismes
Les premiers Britanniques venaient d'horizons géographiques et sociaux très variés. Ils se regroupaient par affinités ou par nécessité, et de ce fait est née une redistribution des dialectes de prestige. L'anglais cultivé de Londres et du sud-est de l'Angleterre, base de l'anglais standard actuel, ne dominait guère que sur la côte de la Nouvelle-Angleterre et en certains points des colonies du Sud. Si l'appareil colonisateur du Royaume a permis de maintenir l'unité de la langue et de lui faire suivre l'essentiel des changements survenus en métropole, la différenciation dialectale a commencé de bonne heure dans l'Est américain. Des accents locaux jugés en Europe provinciaux ou rustiques se sont imposés dans les élites coloniales et, par osmose, dans la population. De nombreux centres urbains ont servi de modèles à l'arrière-pays, si bien que, aujourd'hui encore, il n'y a pas de norme unique de prononciation pour l'Américain cultivé.
Les spécialistes distinguent au moins six grandes zones différant par les vocables et la phonologie : la Nouvelle-Angleterre côtière, l'agglomération new-yorkaise, les monts Appalaches (la Virginie-Occidentale et les hauteurs du Sud atlantique), le Sud côtier, le Nord (l'État de New York et la région des Grands Lacs) et enfin le Midland (la Pennsylvanie et ses environs) ; ces deux dernières ont fortement essaimé vers l'ouest, où leur mélange a créé un parler relativement homogène, ce qui n'est pas le cas dans l'est du pays.
Le déplacement vers le Pacifique du centre de la population et la croissance des villes de l'intérieur ne font que renforcer cette variété mixte de la langue. Mais chaque région reste jalouse de son particularisme. Malgré la standardisation des produits et des mœurs, et l'emprise accrue de l'administration fédérale et des chaînes nationales de médias, la diversité reste la règle, même si elle ne peut se comparer à celle du Royaume-Uni.
À l'époque de la Révolution, des regroupements dialectaux s'étaient opérés dans les treize colonies et les voyageurs étrangers notaient déjà avec amusement ou indignation les « provincialismes » et les « barbarismes » des habitants. Les différences se sont affirmées et perpétuées par suite de la difficulté des communications et de l'éloignement politique et culturel de l'Angleterre. Dans le même temps, l'américanité propre de la langue était revendiquée eu égard à l'anglais de l'ancienne métropole. La tradition orale ayant peu de poids, la nouvelle nation tendait à s'appuyer sur l'autorité de l'écrit (d'où des prononciations syllabiques ou livresques), notamment après que le grammairien et lexicographe Noah Webster (1753-1848) eut publié son abécédaire et ses divers dictionnaires « américains » (1806, 1828 et 1841). Webster, yankee patriote et anti-élitiste, a fortement contribué à fixer l'usage national en matière sémantique et orthographique. Par ailleurs, il n'existe aux États-Unis aucune autorité ou académie chargée de légiférer sur le « bon usage » ; la pratique cultivée et, plus encore, la pratique populaire restent souples, voire labiles, et très tolérantes envers la variété et le changement linguistiques. La cohésion nationale est maintenue grâce à la mobilité géographique et sociale, à une certaine méfiance devant les langues étrangères, et à une créativité lexicale qui épouse étroitement l'innovation technologique et sociale.[...]
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Écrit par
- Guy Jean FORGUE : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'américain à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Hans KURATH : professeur à l'université d'Ann Arbor, Michigan
Classification
Médias