- 1. Chaucer et le Moyen Âge
- 2. Renaissance et floraison élisabéthaine
- 3. Des poètes métaphysiques à la satire
- 4. Des aventures de Gulliver au roman noir
- 5. Retour à la poésie
- 6. L'époque victorienne
- 7. Tournants du XXe siècle
- 8. Le roman contemporain
- 9. La poésie contemporaine
- 10. Le théâtre contemporain
- 11. Littérature pour enfants
- 12. Bibliographie
ANGLAIS (ART ET CULTURE) Littérature
Toute histoire littéraire sous-entend une perspective et la perspective a rapport au temps présent, le passé étant vu en fonction de problèmes contemporains ; ainsi, maint écrivain dont le nom est consacré dans le panthéon des célébrités peut se trouver aujourd'hui ou demain dans la situation de la semence qui tombe sur le basalte. Si l'on conçoit l'histoire littéraire comme dynamique et non plus comme un « ciel des étoiles fixes », il va de soi que le facteur déterminant n'est pas tellement la valeur absolue de la semence, mais plutôt la relative fertilité du sol. L'alternative pour une œuvre d'art consiste à rester enfermée dans le goût de la période où elle est née – et alors elle est inféconde, rigide, incommunicable à la postérité qui la trouve ennuyeuse et même ridicule – ou à être capable d'aborder les futurs. Il lui faut alors subir l'inévitable stratification des hommages que chaque génération lui rend pour devenir différente de ce qu'elle était, se muant ainsi peu à peu en œuvre collective, chorale. La littérature anglaise offre un modèle de ce processus : Hamlet. Combien de Shakespeare y a-t-il dans le drame qu'il remania, combien dans le drame qui a été remanié dans l'esprit, sinon dans la lettre, par les critiques qui se sont succédé ? Mort, ou bien transfiguration, il n'est pas d'autre choix : l'œuvre d'art ne reste jamais telle quelle ; elle passe avec le goût qui l'inspira, ou elle se modifie en s'adaptant à des temps nouveaux.
Chaucer et le Moyen Âge
Si Geoffrey Chaucer (1340 env.-1400 env.) n'avait pas secoué la tradition allégorique du Roman de la Roseet de ses faibles imitateurs, grâce à l'influence des fabliaux et surtout des trois grands italiens du xive siècle, Dante, Pétrarque et Boccace, aurait-il un nom plus retentissant que William Langland, dont La Vision de Pierre le laboureur (Piers Plowman, 1362-1387) ne conserve aujourd'hui de vitalité qu'à cause du tableau qu'il offre d'une Angleterre populaire ravagée par la misère et qui contraste avec celui d'une brillante et prospère société bourgeoise présenté dans Les Contes de Cantorbéry (Canterbury Tales) ? À ce titre, Langland peut être lu avec profit par le sociologue, mais non par l'amateur de poésie, qui trouve son allégorie confuse et répétitive, et son informalité non moins monotone que la forme pétrifiée des œuvres du poète de cour John Gower (1330 env.-1408) et, pis encore, de John Lydgate (1370 env.-1450 env.), qui laissa plus de vers qu'aucun autre poète du Moyen Âge. Un seul poème a survécu de tout ce fatras allégorique, Pearl (La Perle, seconde moitié du xive siècle), dans lequel le motif du rêve, divulgué par le Roman de la Rose, s'anime de la fraîche présence d'une fillette trépassée qui apparaît à son père, le poète, sur la rive Paradis d'un fleuve ; lorsque le poète essaie de franchir le fleuve, toute la vision se dissout et il se réveille dans un cimetière, animé par une nouvelle force spirituelle.
Si Chaucer, en imitant le Filostrato de Boccace, s'était limité à purger le texte de toutes les erreurs que le Toscan avait commises contre le code de l'amour courtois, on pourrait bien le laisser dormir paisiblement dans le Poets' Corner de l'abbaye de Westminster. Mais, tout en essayant de conformer son poème aux règles du Frauendienst, Chaucer se préoccupe surtout de défendre point par point la conduite de Criseyde et, même lorsqu'il n'y parvient pas, il refuse de l'inculper ; ce faisant, il approfondit l'étude de cette âme de femme, et nous la présente plus humaine et plus vivante que l'héroïne de Boccace. Pandarus est d'ailleurs à ce point transformé par Chaucer qu'il rayonne du personnage comme un ton de bonhomie et d'[...]
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Écrit par
- Elisabeth ANGEL-PEREZ : agrégée, professeur de littérature anglaise (théâtre) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Jacques DARRAS : écrivain, professeur de littérature anglo-américaine
- Jean GATTÉGNO : ancien élève de l'École supérieure, professeur de littérature anglaise à l'université de Paris-VIII, directeur à la Direction du livre et de la lecture
- Vanessa GUIGNERY : habilitée à diriger des recherches en études anglophones, professeure des Universités à l'École normale supérieure de Lyon
- Christine JORDIS : écrivain, critique littéraire
- Ann LECERCLE : maître assistant d'anglais, agrégée, docteur d'État, professeur à l'université de Paris-Nord
- Mario PRAZ : ancien professeur à l'université de Rome
Classification
Médias