- 1. Chaucer et le Moyen Âge
- 2. Renaissance et floraison élisabéthaine
- 3. Des poètes métaphysiques à la satire
- 4. Des aventures de Gulliver au roman noir
- 5. Retour à la poésie
- 6. L'époque victorienne
- 7. Tournants du XXe siècle
- 8. Le roman contemporain
- 9. La poésie contemporaine
- 10. Le théâtre contemporain
- 11. Littérature pour enfants
- 12. Bibliographie
ANGLAIS (ART ET CULTURE) Littérature
Littérature pour enfants
La notion même de « littérature pour enfants » est une notion moderne. Il faut attendre le milieu du xviiie siècle pour voir un éditeur anglais se spécialiser dans les livres pour enfants, et le troisième tiers du xixe siècle pour voir les livres pour enfants commencer, sans d'ailleurs y parvenir totalement, à être considérés comme partie intégrante de la « littérature ».
Quatre dates jalonnent l'histoire du genre : 1744, avec l'installation à Londres de l'éditeur John Newbery ; 1865, avec la publication d'Alice au pays des merveilles ; 1882, avec celle de L'Île au trésor ; et 1904, avec l'apparition de Peter Pan.
Une volonté d'édification et de pédagogie
L'évolution du genre suit, comme il est logique, l'évolution de la place attribuée à l'enfant dans la société anglaise et, plus précisément, au sein de la classe dominante. Tant que les enfants n'existent pas pleinement comme individus reconnus et que rares sont ceux qui savent lire, il n'y a pas de textes qui leur soient vraiment destinés. Tout au plus ont-ils connaissance, généralement par la voie orale, de ce qui fait la matière littéraire du public lisant : les contes de fées, les chansons de geste – celles communes à l'Europe occidentale, ou celles plus spécifiquement anglaises comme Robin des Bois (Robin Hood) –, les légendes et les fables.
Le xviie siècle introduit une novation d'ordre proprement idéologique. Le zèle réformateur des puritains leur fait considérer en effet les enfants, plus proches du péché originel que les adultes, comme une terre particulièrement digne d'être travaillée en vue d'une bonne moisson. Si le désir d'amuser les enfants n'est pas absent des « bons livres » que propagent les puritains, ceux-ci tiennent pour essentiel de montrer, en développant la peur du châtiment éternel, la voie à suivre vers un salut toujours incertain. Mais leur sens du concret permet à tous ces auteurs (dont aucun n'est « spécialisé » dans le monde de l'enfance) d'utiliser des formes littéraires capables d'attirer les jeunes âmes : abécédaires, fables, histoires, proverbes, poèmes ou énigmes. Le plus grand d'entre eux, John Bunyan, sait trouver, dans une œuvre dont les enfants ne sont pourtant pas le public privilégié, Le Voyage du pèlerin (The Pilgrim's Progress, 1678), un mode, lui, privilégié : le mariage du récit d'aventures et de l'histoire, tout à fait édifiante, de « Chrétien » et « Chrétienne » en route vers la Cité céleste. Le livre, présent longtemps dans presque tous les foyers, surtout les foyers populaires, ne cessera d'être lu par des enfants. L'allégorie, aveuglante de simplicité, les péripéties nombreuses et incluant des combats passionnants, et la conclusion heureuse de tant d'incertitudes, il y a dans tout cela une recette que les « westerns » retrouveront, avec un succès aussi assuré.
La fièvre de conversion des écrivains puritains devait renforcer deux caractéristiques qui restèrent pendant deux siècles celles de tous les livres pour enfants : d'une part, l'alimentation d'un sentiment de frayeur (morale et spirituelle) chez le jeune lecteur ; d'autre part, la chasse, non seulement aux sorcières, mais aussi à toutes les créatures féeriques, qui conduit « naturellement » à la chasse à la gratuité et aux refus des libertés prises avec la logique (ce que l'Angleterre devait appeler le nonsense). Jusqu'à la publication, en 1823, de la traduction des Contes des frères Grimm, aucun livre pour enfants n'oublie de préciser, pour s'en féliciter, que fées et dragons, géants et sorciers, ont pris la fuite devant les progrès de la raison.
Que reste-t-il donc aux enfants anglais ? D'abord et paradoxalement, des[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Elisabeth ANGEL-PEREZ : agrégée, professeur de littérature anglaise (théâtre) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Jacques DARRAS : écrivain, professeur de littérature anglo-américaine
- Jean GATTÉGNO : ancien élève de l'École supérieure, professeur de littérature anglaise à l'université de Paris-VIII, directeur à la Direction du livre et de la lecture
- Vanessa GUIGNERY : habilitée à diriger des recherches en études anglophones, professeure des Universités à l'École normale supérieure de Lyon
- Christine JORDIS : écrivain, critique littéraire
- Ann LECERCLE : maître assistant d'anglais, agrégée, docteur d'État, professeur à l'université de Paris-Nord
- Mario PRAZ : ancien professeur à l'université de Rome
Classification
Médias