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ANGLAIS (ART ET CULTURE) Peinture

Le XXe siècle : tradition et innovation

L'éclatement du milieu artistique, amorcé dès la fin du xixe siècle, se poursuit et s'amplifie à partir de 1914. Le nombre de peintres vivant loin de Londres augmente, et le « génie du lieu » semble les inspirer plus que jamais ; le Pembrokeshire est pour Graham Sutherland ce qu'était le Suffolk pour Constable. L. S. Lowry (1887-1975), lui, peint toute sa vie le paysage industriel du Lancashire. D'autres font de longs séjours à l'étranger. Certes, des groupes éphémères se constituent parfois à Londres, mais sans créer de mouvement puissant. La diversité des styles et des techniques fait en tout cas ressortir un prodigieux appétit de nouveauté, comme si les artistes se sentaient enfin libérés des conventions esthétiques et morales de l'ère victorienne.

Wyndham Lewis (1882-1957) est celui qui a prêché la modernité avec le plus d'éclat. Son manifeste de 1914, Blast, marque le point de départ du mouvement «  vorticiste » : il s'agissait de libérer l'art britannique de la « politesse » et d'inventer « de nouvelles possibilités d'expression pour le temps présent ». Comme les futuristes italiens, les vorticistes sont obsédés par la machine et la civilisation qu'elle a engendrée. Le Crépuscule parmi des Michel-Ange (1912, Victoria and Albert Museum, Londres) marque une étape décisive dans le cheminement de Lewis vers l'abstraction. Le vorticisme, cependant, deviendra parfois un carcan, et tendra, comme chez Wadsworth et Bomberg, au maniérisme.

Paul Nash (1889-1946), l'un des grands paysagistes anglais du siècle, est plus imaginatif, et l'on perçoit des échos du surréalisme dans son œuvre. L'expérience de la Grande Guerre lui a inspiré de poignants paysages aux formes déchiquetées (Bombardement de nuit, 1919-1920, National Gallery of Canada, Ottawa). Comme Nash, Graham Sutherland (1903-1980) était fasciné par les formes naturelles (végétaux, roches, animaux), et ses toiles tiennent à la fois du paysage et de la nature morte. Ben Nicholson (1894-1982) a eu une production abstraite attachante mais moins personnelle, qui doit beaucoup au cubisme et à Braque en particulier.

Après la Seconde Guerre mondiale, le portrait a opéré un retour en force avec Sutherland et Moynihan, mais surtout avec Lucian Freud (le petit-fils de Sigmund) et Francis Bacon. Freud (1922-2011) peint des portraits de ses proches d'une précision et d'une luminosité quelque peu morbides (Jeune Fille aux roses, 1947, British Council, Londres). Bacon (1909-1992) est fasciné par la mobilité des corps et des visages qu'il enferme souvent dans des espaces carcéraux. Il rejoint curieusement le « grand style » de Reynolds par ses références aux anciens maîtres et par la généralité de la représentation. Les peintres plus jeunes, et notamment ceux qui sont nés depuis la guerre, regardent plus volontiers du côté des États-Unis. Ils ont tendance à rejeter le savoir-faire pictural traditionnel pour emprunter le langage des médias (photographie, bande dessinée) qui, paradoxalement, les conduit parfois à développer une thématique d'une grande banalité.

— Jacques CARRÉ

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Clermont-Ferrand-II-Blaise-Pascal
  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Médias

<it>Le «Téméraire» remorqué à son dernier mouillage</it>, J. M. W. Turner - crédits :  Bridgeman Images

Le «Téméraire» remorqué à son dernier mouillage, J. M. W. Turner

<it>La Marche sur Finchley</it>, W. Hogarth - crédits :  Bridgeman Images

La Marche sur Finchley, W. Hogarth

<it>Le Bois de Cornard</it>, T. Gainsborough - crédits :  Bridgeman Images

Le Bois de Cornard, T. Gainsborough