- 1. 1914, Londres, creuset de la sculpture moderne
- 2. Débats sur l'abstraction : Henry Moore, Barbara Hepworth
- 3. La sculpture et ses limites
- 4. Provocation, ironie, subversion : Gilbert et George, Bill Woodrow, Damien Hirst
- 5. Réinvention de la tradition : Anthony Caro, la « nouvelle sculpture anglaise » des années 1980
- 6. Bibliographie
ANGLAIS (ART ET CULTURE) Sculpture
La « sculpture anglaise » existe-t-elle vraiment ? Si l'on a évidemment pratiqué de tout temps la sculpture en Angleterre, l'expression ne prend corps qu'à l'âge contemporain avec l'invention de la sculpture moderne. Le xxe siècle est en effet marqué par une véritable effervescence de la création sculpturale en Angleterre, phénomène qui a été analysé par maints critiques et a suscité de multiples expositions.
Alors que la notion de « peinture anglaise » renvoie à une histoire du paysage et du portrait qui s'étend sur plusieurs siècles, de Hogarth à Bacon ou Lucian Freud en passant par Turner et Constable, la « sculpture anglaise » est née à Londres à la veille de la Première Guerre mondiale. Marquée à ses débuts par des précurseurs tel que Jacob Epstein, elle connaît une véritable apogée avant et après la Seconde Guerre mondiale avec, plus particulièrement, Henry Moore et Barbara Hepworth. Dans les années 1960-1970, Tony Cragg, Anthony Caro ou encore Richard Long s'inscrivent eux aussi dans cette même lignée. Plus récemment, des artistes tels que Damien Hirst ou Mark Wallinger sont généralement considérés comme les descendants du mouvement et participent au renouveau de la « nouvelle sculpture anglaise ».
Mais qu'y a-t-il de spécifiquement anglais dans cette sculpture ? Des lieux d'enseignement prestigieux, tels, entre autres, le Royal College of Arts et la Saint-Martin's School à Londres, jouent un rôle considérable de transmission des connaissances et contribuent à développer cette capacité de s'insérer dans la « tradition moderniste » tout en en contestant périodiquement son héritage. La sculpture anglaise – qu'il serait plus juste d'appeler britannique car, par exemple, un Paolozzi se considère comme écossais – s'affirme, depuis les années 1940 comme une chaîne continue de révoltes et de réinventions.
1914, Londres, creuset de la sculpture moderne
En 1914, à côté de Paris qui continue de jouer un rôle de capitale des arts bien connu, Londres s'affirme comme un des creusets de la sculpture moderne. Rodin lui-même, qui fréquente l'Angleterre depuis 1881 et y a rencontré d'importants succès, s'y réfugie pour échapper aux troubles de la guerre. Il présente au South Kensington Park une importante exposition, alors que ses célèbres Bourgeois de Calaisont été installés dans les jardins de Westminster devant le Parlement dès 1911, à un moment où aucune de ses œuvres ne trouve place dans l'espace parisien. Brancusi, figure centrale dans l'invention de la sculpture contemporaine, même s'il ne réside pas dans la capitale anglaise, y expose aussi : il présente en 1913 au London Salon of the Allied Artists Association trois œuvres saluées par le critique Roger Fry comme « les plus remarquables œuvres de sculpture de l'Albert Hall ».
Surtout, deux émigrés s'y côtoient, qui jouent chacun un rôle décisif dans l'histoire de la sculpture anglaise. Jacob Epstein (1880-1959), sculpteur juif né à New York et formé à Paris, s'est installé à Londres dès 1905 et y reçoit ses premières commandes monumentales qu'il réalise pour partie avec Eric Gill. Eptsein rénove l'ancestrale technique de la taille directe et s'impose dans la sculpture anglaise jusqu'en 1930. Après le succès de scandale de la tombe d'Oscar Wilde (1910-1912, Paris, cimetière du Père-Lachaise), l'extraordinaire Rock Drill (1913-1915, aujourd'hui disparu), torse en plâtre surmonté d'un réel marteau-piqueur et Female Figure in Flenite (1913, Londres, Tate Gallery) le consacrent comme le maître de la sculpture moderne. Henri Gaudier-Brzeska (1891-1915), sculpteur français mort précocement après un début de carrière fort prometteur (Femme assise, 1915, Orléans, musée des Beaux-Arts),[...]
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Écrit par
- Paul-Louis RINUY : professeur d'histoire et de théorie de l'art contemporain, université de Paris VIII
Classification
Médias