- 1. 1914, Londres, creuset de la sculpture moderne
- 2. Débats sur l'abstraction : Henry Moore, Barbara Hepworth
- 3. La sculpture et ses limites
- 4. Provocation, ironie, subversion : Gilbert et George, Bill Woodrow, Damien Hirst
- 5. Réinvention de la tradition : Anthony Caro, la « nouvelle sculpture anglaise » des années 1980
- 6. Bibliographie
ANGLAIS (ART ET CULTURE) Sculpture
La sculpture et ses limites
Selon une logique plus confidentielle et beaucoup moins monumentale, Ben Nicholson (1894-1982) explore quant à lui la logique du bas-relief au moyen d'un vocabulaire géométrique (Sculpture, 1936, Tate Gallery, Londres) et inscrit son travail au croisement de la peinture et de la sculpture. Ce choix le rapproche d'Eduardo Paolozzi (1924-2005) qui se fait connaître notamment à la biennale de Venise de 1952 et déclare : « Je pense que la sculpture moderne s'est développée tout entière par rapport à l'idée de la sculpture peinte, se rapprochant du point où il n'est plus possible de distinguer la sculpture de la peinture, où elles se superposent de façon originale. C'est en tout cas un but que je voudrais atteindre. » Paolozzi est surtout celui qui fait passer dans le monde de la tridimensionnalité le collage inventé par Picasso (Hamlet in a Japanese Manner 1966, Glasgow Museum) et construit un pont entre la tradition de la sculpture, l'art populaire et le monde de la machine contemporaine. Cette ambition de dépasser les frontières traditionnelles entre les arts se retrouve chez des artistes de la même génération comme Anthony Caro (1924-2013 ; Pompadour, aluminium peint, 1963, Otterlo, Rijksmuseum Kröler-Mueller) ou des créateurs plus jeunes, tel David Tremlett (né en 1945), qui font du refus de séparer la peinture de la sculpture le cœur même de leur engagement plastique.
La sculpture anglaise à partir des années 1960 tend aussi à se dissoudre dans un rapport nouveau à la nature, bien différent de celui qu'avaient instauré Moore et Hepworth en créant des figures qui étaient des métaphores de paysages. Si Caro fait œuvre moderne avec Prairie (1967, New York, MoMA), véritable sculpture intégrée au paysage, Richard Long (né en 1945) et Hamisch Fulton (né en 1946) abandonnent pour leur part la matérialité même de leur art ; ils indexent la sculpture sur la marche (Long, A Line Made by Walking, 1967, photographie) et participent à la création d'un land art à l'européenne, d'une échelle plus humaine que celle des artistes américains Robert Smithson (1938-1973) ou Michael Heizer (né en 1944). Jouant sur la réversibilité de leurs interventions subtiles dans une nature marquée par une intervention millénaire de l'homme, ils donnent à la photographie de leurs actions éphémères une valeur documentaire, mais qui est aussi parfois le lieu d'une recherche esthétique poussée (Andy Goldsworthy). Travaillant le bois et vivant dans la forêt, David Nash (né en 1945) va jusqu'à créer des œuvres avec des arbres vivants, qui ne s'insèrent pas dans un paysage leur servant de cadre mais le constituent (l'ensemble Ash-Dome, 1977, Caent-y-Coed, pays de Galles, est une plantation de frênes sur un cercle de 60 m de diamètre). Les artistes anglais expriment ici une spécificité manifeste et se font « sculpteurs-jardiniers » à la manière des poètes-jardiniers romantiques du xixe siècle, tel William Wordsworth.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Paul-Louis RINUY : professeur d'histoire et de théorie de l'art contemporain, université de Paris VIII
Classification
Médias