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ANGLAIS (ART ET CULTURE) Vue d'ensemble

Il est significatif que les deux ouvrages les plus importants consacrés au particularisme marqué de l'art anglais, à son caractère unique au sein de l'histoire de l'art occidental, et en tout cas les premiers à poser délibérément cette question et à en faire l'objet principal de leur réflexion, L'« Anglicité » de l'art anglais et Les Antécédents idéologiques de la calandre Rolls-Royce, aient été publiés en 1956 et en 1963. Moment qui est aussi celui d'une internationalisation, voire d'une uniformisation plus grande du monde de l'art, et où se marque une certaine dissolution des caractères que ces livres mettaient en avant. Il n'est pas innocent non plus que leurs auteurs respectifs, Nikolaus Pevsner et Erwin Panofsky, tout en étant à cette date deux figures incontestées de l'Université britannique, aient tous deux été formés en Allemagne, symbolisant ainsi à la fois l'originalité de la Grande-Bretagne et ses liens étroits avec l'Europe continentale, dans un échange dialectique qui participe aussi de la définition de ce qu'est l'art d'outre-Manche.

Pevsner, après avoir, dans un mouvement très inspiré, consciemment ou non, de Taine, insisté sur les données tant géographiques (notamment l'insularité) qu'humaines (l'identité d'une race, d'un caractère britanniques originaux modelés par l'histoire) de la Grande-Bretagne, met en relief l'originalité de la création artistique anglaise au travers de deux manifestations emblématiques de son identité, le gothique perpendiculaire et l'art des jardins, ainsi que de grandes figures fondatrices et caractéristiques : Hogarth et son art de l'observation, Reynolds et sa manière si particulière de se détacher de l'objet de sa peinture par son intellectualisation, William Blake et son style qu'on pourrait dire évanescent par ses formes si contournées, John Constable et son amour de la nature, avec sa peinture glorifiant la verte Angleterre. Plus synthétique, plus délibérément analytique et moins narratif aussi, Panofsky part de l'histoire du « jardin anglais », et de celle de la création architecturale qui lui est contemporaine, des palladiens du début du xviiie siècle à Robert Adam, pour conclure sur une coexistence de caractères sinon opposés, du moins très éloignés l'un de l'autre : « un rationalisme résolument formel, tourné vers l'Antiquité classique », et « une sensibilité hautement subjective tirant son inspiration de l'imagination individuelle, de la nature et du passé médiéval », cette « antinomie entre deux principes contraires, qui reflète d'ailleurs le fait qu'en Grande-Bretagne la vie sociale et institutionnelle est plus strictement régie qu'ailleurs par la tradition et la convention, tout en autorisant aux personnes plus de débordements „excentriques“ » se retrouvant, selon lui, « tout au long de l'histoire artistique et littéraire du pays ». Panofsky s'emploie ensuite à démontrer cela en mêlant les exemples architecturaux et picturaux à d'autres tirés de la littérature. La place faite à cette dernière est essentielle : la réflexion sur « l'anglicité » recouvre en effet toutes les formes de la création artistique, et déborde ainsi naturellement sur son contexte politique, économique et surtout social.

C'est ici qu'intervient l'évolution propre de la Grande-Bretagne par rapport au Continent, dont elle a toujours, dans ces différents domaines, été proche et éloignée, parfois dans le même temps. Il existe ainsi une voie anglaise, trouvant son origine au Moyen Âge tout d'abord, à l'époque Tudor ensuite (la Réforme anglicane, elle aussi très originale, ayant probablement renforcé et accentué le phénomène). Après l'épisode « classique » et « baroque » du [...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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