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ANGLICANISME

La Réforme en Angleterre

Pour expliquer l'irruption de la Réforme en Angleterre, on a invoqué des causes économiques (la volonté d'indépendance financière à l'égard de Rome), culturelles (le progrès de l'humanisme), ecclésiastiques (l'insuffisance et les tares du clergé). Aucun de ces motifs n'est suffisant. La Réforme ne prit jamais en Angleterre une tournure révolutionnaire et dogmatique comme là où l'ont propagée Luther ou Calvin. Elle ne fut introduite par les continentaux que plusieurs années après la rupture avec Rome. Elle fut un acte de la politique royale, beaucoup plus qu'un mouvement d'Église.

L'occasion fut la malheureuse affaire du divorce royal. Henri VIII sollicita de l'évêque Cranmer, pour qui il avait obtenu depuis peu le siège de Canterbury (mai 1533), l'autorisation canonique qui tardait à venir de Rome et tournait au refus. En même temps, il prit une série de décisions lourdes de conséquences. Il fit voter par le Parlement un décret détachant le clergé de l'obédience romaine. Après la convocation de 1532, le clergé dut prêter serment au roi dans ces termes : « Nous reconnaissons que Sa Majesté est le seul protecteur et le maître suprême et que, autant que la loi du Christ le permet, Elle est le chef suprême de l'Église anglaise et de son clergé. » D'autres décrets suivirent. Une loi de 1533 interdit aux fidèles et aux clercs les appels à Rome. En 1534, la convocation de Canterbury, contrainte et forcée, déclara que « le pontife romain, selon les saintes Écritures, n'a pas plus que tout autre évêque étranger reçu de Dieu pouvoir de juridiction dans le royaume d'Angleterre ».

La résistance du clergé à ces décisions gouvernementales fut très faible. Les conflits du spirituel et du temporel étaient alors trop fréquents pour que les consciences n'en aient pas été émoussées et qu'on n'ait pas perdu de vue les limites respectives du pouvoir séculier et du pouvoir ecclésiastique. Même un Thomas More déclarait, un peu avant sa mort, qu'il n'avait jamais su avec une entière certitude si la papauté devait être considérée comme fondée par Jésus-Christ.

En prenant ces décisions, Henri VIII déclara fermement qu'il maintenait la continuité avec le passé. Il fit observer rigoureusement toutes les formes canoniques (par exemple dans le sacre de Cranmer en 1533). Sauf en ce qui concerne la suprématie royale, il n'introduisit aucun article nouveau de doctrine et défendit avec rigueur l'orthodoxie catholique. La liturgie, mise en langue anglaise, fut une liturgie de type catholique. Plusieurs tentatives de rapprochement avec les luthériens, où la politique aurait pu trouver son compte, échouèrent à cause des positions doctrinales du roi.

Élisabeth II et l’archevêque de Canterbury, 2002 - crédits : Tim Graham/ Getty Images

Élisabeth II et l’archevêque de Canterbury, 2002

C'est sous Élisabeth Ire (1558-1603) que l'anglicanisme s'établit comme une via media entre le protestantisme et le catholicisme, ou plus exactement entre la tendance réformatrice d'un Cranmer et la tendance novatrice mais traditionnelle des « henriciens » (comme Gardiner, Tunstall). Seuls étaient exclus de la voie anglicane catholiques romains et puritains. L'Acte d'uniformité imposa, en avril 1559, le Prayer Book(c'était sa 3e édition ; la 4e, devenue normative, est de 1562). L'assemblée du clergé de 1563 adopta les « Trente-Neuf Articles de religion » qui sont la base de la communion anglicane. Mais la via media d'Élisabeth n'est que modérément protestante par rapport aux tendances qui s'étaient fait jour sous Édouard VI (1547-1553). Dès son avènement, la reine modifia la formule du serment, et le roi ne fut plus appelé « chef suprême » mais « gouverneur suprême » de l'Église. Il fut ainsi établi clairement que le prince n'avait pas autorité sacramentelle ou doctrinale dans l'Église, mais seulement autorité sur les[...]

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Écrit par

  • : directeur du Centre d'études Istina et de la revue Istina

Classification

Médias

Thomas Becket - crédits : Rischgitz/ Hulton Archive/ Getty Images

Thomas Becket

Élisabeth II et l’archevêque de Canterbury, 2002 - crédits : Tim Graham/ Getty Images

Élisabeth II et l’archevêque de Canterbury, 2002

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