- 1. Historique
- 2. Les systèmes population-environnement
- 3. La croissance exponentielle et le paradigme de la régulation dépendante de la densité
- 4. Fluctuations, limitation et régulation des populations
- 5. L'accès aux paramètres démographiques
- 6. Biodémographie et biologie évolutive
- 7. Gestion et conservation des populations
- 8. Conclusion
- 9. Bibliographie
POPULATIONS ANIMALES (DYNAMIQUE DES)
La croissance exponentielle et le paradigme de la régulation dépendante de la densité
Le modèle démographique le plus simple considère une population théorique N dans laquelle entre deux dates, t et t + 1, chaque individu donne en moyenne naissance à F individus et meurt avec une probabilité M. L'environnement est donc considéré comme constant. Entre t et t + 1, il entre donc en moyenne dans la population FN(t) individus et il en meurt en moyenne MN(t). Le bilan des entrées et des sorties N(t + 1) = N(t) + F N(t) – MN(t) conduit donc à : N(t + 1) = (1 + F – M) N(t) = AN(t). Si les naissances l'emportent sur les décès (F > M), la population augmente. La même formule s'applique au pas de temps suivant, mais à partir de N(t + 1), et l'excédent précédant de croissance est donc capitalisé, comme dans un placement financier à intérêts composés : la croissance est exponentielle, avec un taux de multiplication A = 1 + F – M, selon N(t) = N(0) At. Le pas de temps dans une telle représentation est souvent annuel, et A est alors le taux de multiplication annuel de la population ainsi modélisée.
Si les décès l'emportent sur les naissances (M > F), A est inférieur à 1 et l'effectif de la population modélisée décroît exponentiellement.
Des résultats analogues s'obtiennent en passant à une échelle de temps continue : on écrit alors le nombre de naissances dans l'intervalle de temps infinitésimal entre t et t + dt, FN(t) sous la forme f dt N(t) où f est un taux instantané de fécondité. De même on écrit MN(t) = m dt N(t) où m est un taux instantané de mortalité. On obtient alors l'équation dN/dt = (f – m) N, dont la solution est l'équation de croissance ou décroissance exponentielle en temps continu N(t) = N(0) ert, avec r = f – m.
Mais ces modèles ne sont pas directement applicables à des populations animales ou végétales in natura, car ils considèrent que tous les individus ont les mêmes performances. L'expérience immédiate montre que ce n'est évidemment pas le cas : le jeune faon qui suit sa mère, ou la plantule de chêne émergeant du sol n'a bien sûr ni la même mortalité ni la même fécondité que ses parents. Il est aisé de considérer des classes d'âge, annuelles par exemple pour des populations en environnement saisonnier pour lesquelles le pas de temps naturel est également de un an. On représentera donc la population par les effectifs des différentes classes d'âge, regroupés dans un vecteur N(t). L'hypothèse de paramètres constants conduit à la même équation N(t + 1) = MN(t), où M est un tableau de nombres, ou matrice, construit à partir des paramètres démographiques. Un tel modèle démographique matriciel, établi à partir d'une représentation graphique du cycle de vie de la population, a permis d'étudier la population alsacienne de cigognes blanches Ciconia ciconia. Cette population, tout comme des populations voisines, a connu une décroissance rapide de ses effectifs à un rythme voisin de 15 p. 100 par an à partir de 1960, ce qui a bien sûr posé le problème de l'origine de cette décroissance. La seule différence avec le modèle exponentiel de base est que la structure d'âge initiale va imprimer sa trace sur le régime de croissance. Mais cette trace s'amenuise au cours du temps : quelle que soit la répartition initiale des effectifs, la croissance (ou la décroissance) sera asymptotiquement exponentielle, à un taux dépendant des éléments de M et donc des paramètres démographiques.
On peut donc dire que, quelle que soit la formulation technique du modèle, des paramètres démographiques constants engendrent une croissance (ou décroissance) exponentielle des effectifs. C'est le paradigme de base de la dynamique des populations. Les modèles démographiques permettent de relier les valeurs moyennes[...]
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Écrit par
- Robert BARBAULT : professeur à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, directeur du département écologie et gestion de la biodiversité, Muséum national d'histoire naturelle, Paris
- Jean-Dominique LEBRETON : directeur de recherche émérite au CNRS, membre de l'Académie des sciences
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Médias