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ANIMAL

Du mouvement à l'intelligence

Du fait de la proximité « biologique » entre animal et végétal, pour les distinguer les scientifiques doivent dresser l'inventaire de leurs différences : la nature de leur alimentation, la capacité de locomotion, la présence d'une cavité gastrique, de muscles, d'un système nerveux ou d'organes des sens... Certains de ces attributs, appartenant pourtant le plus manifestement aux animaux, sont une source de questionnements importants dont les développements dépassent de beaucoup la seule biologie. C'est le cas de la notion de mouvement où deux aspects attirent l'attention des spécialistes : la définition du mouvement et de ses causes. Les types de mouvements sont nombreux : certains sont généraux, comme la gravitation ; d'autres, comme les phénomènes physico-chimiques, peuvent concerner autant le monde inanimé que les organismes vivants... La présence d'organes locomoteurs – toujours absents chez les plantes – ne suffit pas à définir le mouvement, car certains animaux en sont dépourvus. En définitive, ce qui distingue le mouvement chez le végétal et l'animal serait plutôt de l'ordre de la volonté, car « il est clair que le mouvement n'est pas une conséquence nécessaire de la sensibilité », constate Georges Cuvier en 1816 ; ainsi les plantes sensitives replient leurs feuilles au moindre contact de la même façon que les coraux replient leurs tentacules.

Est-il possible de parler de volonté sans évoquer la faculté de raisonner ? Car, contrairement à la sensitive, les mouvements des animaux résultent le plus souvent de l'analyse par le système nerveux des stimuli produits par les sens, et notamment la perception des particularités de l'environnement. Parler du mouvement chez l'animal implique donc non seulement d'utiliser la notion de volonté (correspondant au but recherché par le mouvement, par exemple la recherche de la nourriture ou l'interaction avec un congénère), mais également celle du traitement des différentes informations entraînant souvent choix et adaptation du mouvement. Or les cartésiens avaient affirmé que les animaux n'étaient que de simples machines exécutant de façon identique les mêmes actes et ne possédant pas de sentiments. Réaumur avait, en 1734, répondu aux mécanicistes par deux arguments principaux que l'on retrouve chez de nombreux auteurs par la suite. Le premier est la négation même de cette question : « Les deux sentiments opposés [les animaux possèdent une âme ou non] ne soutiennent rien que de très possible, mais qu'il est impossible de démontrer lequel des deux est le vrai. » Le second argument repose sur l'observation directe des animaux : Réaumur constate que le comportement des insectes est complexe et qu'il est souvent variable en fonction des circonstances, ce qui conduit naturellement le savant à conclure à un « certain degré d'intelligence ». Armand de Quatrefages affirme clairement, en 1877, que l'animal se meut par sa volonté, elle-même étroitement liée à la sensibilité et à la conscience, et que « l'expérience personnelle et l'observation comparative attestent que l'animal „sent, juge“ et „veut“, c'est-à-dire qu'il „raisonne“, et, par conséquent, qu'il est „intelligent“ ». Suivant d'ailleurs le même raisonnement que Réaumur, il réfute la notion d'automates sensibles et conscients de Thomas Huxley, car « fussent-ils de pures machines, toujours faudrait-il reconnaître que ces machines fonctionnent „comme si“ elles sentaient, jugeaient et voulaient ».

On le voit, le mouvement animal pose le problème de la sensibilité et avec lui celui de l'intelligence : les animaux ont-ils la « volonté » de rechercher ce qui cause du plaisir et de fuir ce qui donne de la douleur ? On peut[...]

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  • : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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