KAPOOR ANISH (1954- )
Né en 1954 à Mumbai (anciennement Bombay), cet artiste indien immigre en Grande-Bretagne en 1973 et suit les enseignements de la Chelsea School of Art and Design avant de percer au début des années 1980. Essentiellement sculpturale, l'œuvre d'Anish Kapoor est parfois considérée à tort comme une version britannique du post-minimalisme. Mais c'est davantage en héritier de Mark Rothko et Barnett Newman en quête d'un sublime chromatique et spirituel qu'il faut placer cet artiste.
De 1979 à 1981, il signe la série 1 000 names, ensemble de sculptures en bois et plâtre de formes géométriques abstraites recouvertes de pigments colorés purs. L'adjonction de ces poudres vibrantes donnait une impression troublante de flottement aux cinq éléments, transcendés par la couleur. Le travail essentiellement rétinien et perceptif de Kapoor s'emploie avant tout à intervenir sur les espaces et les rapports d'échelle. Très rapidement, l'artiste s'attaquera à des échelles bien plus conséquentes et enveloppantes, avec une dimension plus architecturale. Son vocabulaire formel relativement circonscrit à des courbes, cercles ou sphères, réussit à allier une certaine rigueur minimale à un biomorphisme sensuel. Conscient de la force poétique et des sensations pures que suscitent ses œuvres, Kapoor emploie des matériaux comme le métal ou la pierre, combinés à des qualités chromatiques profondes, suivant des dialectiques simples (vide-plein, concave-convexe, visible-invisible, froideur-sensualité).
Lauréat du prix Turner en Grande-Bretagne en 1991, Anish Kapoor augmente les échelles progressivement au cours de cette décennie. En 1998, il réalise la seconde version de At the Edge of the World, grande soucoupe de huit mètres de diamètre suspendue dans l'espace d'exposition et teintée d'un rouge rubis poli comme un miroir, à la manière d'un dais glacé et irrésistible. Kapoor révèle une habileté sans commune mesure dans l'art de créer une sensation et une perception d'infini à partir d'un objet circonscrit. La même année, il entreprend Suck, une pièce de taille plus modeste en métal réfléchissant, disque posé au sol et excavé en son centre. Cette simple dépression crée une aspiration dynamique de l'espace, troublante et captivante par sa puissance d'attraction. « Je cherche à m'aventurer dans les zones inconnues de la psyché. Tout mon travail repose sur une découverte : créer le vide ne conduit pas au vide. Je m'intéresse à ce processus, à la résonance qui émane de ce vide. Pour cela, l'important est de n'avoir rien à dire. Je cherche à susciter un ensemble de phénomènes et de perceptions que chacun puisse expérimenter et utiliser pour progresser vers une existence poétique. Chaque œuvre est avant tout un événement. »
L'art de Kapoor trouve toujours sa source dans un rapport énigmatique et subjectif, profondément expérimental. « J'éprouve le besoin de m'adresser à l'humanité à un niveau plus profond. Mon travail s'oriente vers le non-objet », se plaît-il à préciser. En 2002, il réalise pour la Tate Modern de Londres une sculpture monumentale de plus de 150 mètres de longueur, architecture formée de deux pavillons rouges reliés par un boyau effilé. Marsyas réagissait à l'environnement en absorbant le son ambiant et en le restituant modifié et plus mystérieux. Devant cette forme quasi monstrueuse et fascinante, le spectateur, ramené à son échelle si modeste, se voyait plongé dans le mythe gréco-romain de ce mortel qui défia Apollon et fut puni d'avoir osé se mesurer à un Dieu. Cette œuvre pourrait être l'archétype du travail de Kapoor, profondément axé sur la mise en jeu des espaces physiques et psychologiques, entre introspection vertigineuse et séduction transcendantale.
En 2011 à l’occasion[...]
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Écrit par
- Bénédicte RAMADE : critique d'art, historienne de l'art spécialisée en art écologique américain
Classification
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