CONTI ANITA (1899-1997)
Née en 1899 à Ermont (Seine-et-Oise), Anita Conti hérite de l'esprit « alerte et inventif » d'une famille qui voyage beaucoup. Ses parents la laissent développer sa passion pour la mer et les sciences à travers l'enseignement de précepteurs, des lectures, et des rencontres avec des amis de son grand-père, comme Pierre et Marie Curie.
Dans les années 1920 et 1930, la belle et élégante jeune femme, amie de Pierre Mac Orlan, est d'abord reconnue par les collectionneurs parisiens pour son talent en matière de reliure d'art. Mais son mari, Marcel Conti, encourage sa passion pour la recherche maritime. Elle publie des articles dans des quotidiens (L'Illustration, Le Figaro...), récits de voyages objectifs, manifestant une grande ouverture d'esprit. Une de ses enquêtes sur l'insalubrité des parcs à huîtres français la fait remarquer par Édouard Le Danois, directeur de l'Office scientifique et technique des pêches maritimes (O.S.T.P.M.), ancêtre de l'Ifremer. Elle est nommée « chargée de propagande » auprès de l'Institut océanographique. Ses missions l'amènent à classer la bibliothèque de l'O.S.T.P.M., mais aussi à participer à des campagnes en 1935 sur le premier navire océanographique français, le Président-Théodore-Tissier, ou, en 1939, sur le chalutier morutier le Vikings en direction du Spitzberg. Elle apprend le métier d'observateur des mers, de cartographe des zones de pêches et des fonds marins, de « chimiste des profondeurs », d'ethnographe des techniques traditionnelles. Son matériel photographique est perpétuellement menacé par l'eau de mer, les déchets de poisson et les mouvements du bateau, mais elle parvient néanmoins à prendre, sans l'aide d'un pied, des clichés étonnants (Anita Conti photographe, 1998) qui font sentir les vibrations de l'écume et la précision des gestes des marins.
Ses rapports scientifiques prémonitoires dénoncent la précarité des conditions de vie des marins et l'exploitation démesurée des fonds. Son Journal de bord du « Vikings » (1939), premier regard posé par une femme sur les terre-neuvas, suit le rythme de la vie du bord. Anita Conti s'exprime à la première personne, sans s'arrêter sur la singularité de sa situation au milieu d'hommes retenus loin de leurs familles, vivant dans l'obsession du navire et du poisson, dans une atmosphère aux odeurs intenses, un environnement au toucher gras et visqueux (sang de morue et mucus mêlés à l'eau de mer, projetés sur les vêtements et les corps), dans une lumière grise et sous le souffle continu du vent.
À la déclaration de guerre, elle s'embarque à Boulogne et Dunkerque, où elle participe au déminage des ports en Manche et en mer du Nord, puis sur le chalutier Volontaire pour chercher au large des côtes sahariennes les moyens de ravitailler les armées et les populations alliées. Elle continue sa mission d'étude des fonds marins et des techniques traditionnelles au large du Sénégal, du Dahomey et de la Côte-d'Ivoire, afin d'améliorer l'alimentation des populations locales. Représentant d'abord le gouvernement d'Alger, elle crée, en 1947, sa propre pêcherie. Mais elle est moins faite pour le commerce que pour ces contacts humains subtils dont elle rend compte dans Géants des mers chaudes (1957).
Anita Conti est persuadée de la valeur de « cette Afrique que l'on dit paresseuse parce que guidée par d'autres valeurs, suivant d'autres intérêts, d'autres lois que l'Europe » et, avec une « douce et inébranlable persévérance », elle maintient l'équilibre entre le respect des rituels, l'écoute des traditions, et la distance qu'implique sa mission. « Si les superstitions gagnent sur moi, terminé pour mon programme », constate-t-elle. Récit d'aventures à la première personne, dont l'héroïne reste une femme sensible et[...]
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Écrit par
- Aliette ARMEL : romancière et critique littéraire
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