BERGMAN ANNA-EVA (1909-1987)
L’artiste franco-norvégienne Anna-Eva Bergman, figure singulière de la peinture de l’après-guerre, explore une voie non figurative pour célébrer la puissance et la beauté de la nature.
Anna-Eva Bergman naît le 29 mai 1909 à Stockholm (Suède) d’une mère norvégienne et d’un père suédois qui se séparent peu après. Elle est alors confiée à son oncle et sa tante maternels auprès desquels elle connaît une enfance malheureuse. Elle retrouve sa mère à l’adolescence. Elle peint ses premiers paysages et excelle dans la caricature, deux motifs qui cohabiteront longtemps dans son œuvre. Elle entreprend alors une formation artistique chaotique. Après une année préparatoire à l’École nationale d’artisanat et d’arts appliqués d’Oslo, elle entre en 1927 à l’Académie des beaux-arts de cette même ville, avant d’intégrer l’année suivante à Vienne la Kunstgewerbeschule. Elle y rejoint avec enthousiasme l’atelier d’Eugene Steinhof, réputé pour sa pédagogie libérale proche du Bauhaus. Mais, malade, contrainte à une longue convalescence – elle conservera toute sa vie une santé fragile –, elle doit quitter l’Autriche pour la Côte d’Azur où elle s’installera quarante ans plus tard avec son mari, le peintre allemand Hans Hartung, rencontré en 1929.
La jeune femme est influencée par les artistes de la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité), Otto Dix et George Grosz notamment, dont elle partage le goût de la critique sociale servie par un même sens du grotesque (El Generalissimo, vers 1935, Fondation Hartung-Bergman). Jusque dans les années 1940, Anna-Eva Bergman gagne sa vie grâce à la publication de dessins de presse réalisés dans cette veine outrée. En 1932 sont organisées ses deux premières expositions personnelles, à Dresde (galerie Heinrich Kühl) et à Oslo (chez Blomqvist).
Le couple Bergman-Hartung, pour échapper à la montée du nazisme, s’établit à Minorque (1933-1934) où il fait construire une maison au bord de la mer. Bergman s’intéresse au nombre d’or – cette proportion harmonieuse héritée de l’Antiquité grecque –, peint des paysages épurés et tire de ce séjour un livre autobiographique, Turid en Méditerranée (1942). Au cours des années 1930, sa santé se détériore et elle subit plusieurs opérations. Sur les conseils de sa mère, elle se sépare d’Hartung en 1937 et part se reposer en Italie, où elle se montre fascinée par la découverte de la mosaïque byzantine et la peinture de la Renaissance. De retour en Norvège, elle fait la connaissance de Christian Lange, un architecte spécialiste de la période gothique avec lequel elle se lie d’une profonde amitié. Elle reprend ses recherches sur le nombre d’or, valorise la ligne, explore le symbolisme des couleurs et, initiée par Lange à cette technique empruntée aux retables médiévaux, introduit pour la première fois dans ses travaux des feuilles de métal (or, argent, cuivre, etc.). Elle écrit beaucoup, noircissant ses carnets de réflexions philosophiques et esthétiques.
En 1950, un voyage que Bergman effectue sur les côtes norvégiennes la conduit à renouveler radicalement son langage plastique (Fragment d’une île en Norvège, vers 1951, musée d’Art moderne de la Ville de Paris). Séduite par la lumière septentrionale et les paysages marins, elle commence à imaginer un vocabulaire de formes simples, le plus souvent inspiré de la nature (lune, astre, montagne, pierre, etc.), et pour lequel elle réfute l’adjectif « abstrait », au profit de « non figuratif ». Elle utilise volontiers la feuille de métal, qu’elle recouvre, frotte, gratte (N° 11-1954 Pierre argentée, 1954, Fondation Hartung-Bergman). En 1952, de retour à Paris, elle retrouve Hartung et grave beaucoup. Son œuvre est fréquemment présenté au public, dans des expositions personnelles – à la galerie Ariel (1955) ou à la prestigieuse galerie de[...]
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Écrit par
- Camille VIÉVILLE : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure
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