POLITKOVSKAÏA ANNA (1958-2006)
Anna Stepanovna Politkovskaïa est née à New York, le 30 août 1958. Son père était diplomate auprès de l'O.N.U. Celle qui allait devenir l'une des journalistes indépendantes russes les plus respectées, critique inlassable de la politique russe menée en Tchétchénie, a été assassinée par balles, devant son domicile à Moscou, le 7 octobre 2006. Détentrice de la double nationalité, américaine et russe, elle aurait pu aisément choisir une autre vie. Mais c'est en Russie qu'elle a exercé son métier de journaliste et son activité de défenseur des droits de l'homme.
En 1980, diplômée de la faculté de journalisme de l'université de Moscou, elle commence sa carrière en collaborant aux journaux Izvestia et Transport aérien ainsi qu'au collectif Eskart et au magazine Megapolis express. Bénéficiant de la liberté de parole apportée par la perestroïka, elle peut enquêter sur des phénomènes de société jusque-là passés sous silence, comme les vétérans de la guerre d'Afghanistan, les orphelinats, la toxicomanie, etc. De 1994 à 1999, elle est responsable de la rubrique « faits divers » pour l'hebdomadaire Obschaïa Gazeta. Mais c'est sa contribution au journal Novaïa Gazeta, à partir de juin 1999, et notamment sa couverture de la deuxième guerre de Tchétchénie, déclenchée en août, qui lui apportera la notoriété.
Anna Politkovskaïa se consacre avec ardeur au conflit tchétchène, s'efforçant de rendre compte de la guerre et de ses conséquences pour la population. Dans ses nombreux articles, elle décrit les souffrances des Russes et des Tchétchènes vivant dans cette république du Caucase, les horreurs de la guerre et l'impact délétère qu'elle a sur l'ensemble de la société russe. Elle se rend en Tchétchénie à plus de quarante reprises, mais aussi dans les républiques voisines (Daghestan, Ingouchie, Ossétie du Nord) que la guerre ébranle et où les réfugiés affluent. Elle réalise de nombreuses interviews, d'anonymes, mais aussi de personnalités engagées dans le conflit comme Akhmed Kadyrov (président pro-russe de la Tchétchénie, tué en mai 2004 à Grozny lors d'un attentat) ou Aslan Maskhadov (élu président de la République tchétchène en 1997, tué lors d'une opération russe le 8 mars 2005). Elle dénonce les « opérations de nettoyage », les disparitions, le commerce des morts qu'endure la population de Tchétchénie. Ses articles s'appuient sur des exemples concrets, précis et documentés, et sur un véritable travail d'enquête. Ils mettent en cause des individus précis, questionnent les autorités avec opiniâtreté. La publication, en 2001, d'un article consacré à l'assassinat d'un jeune Tchétchène, Zemlikhan Mourdalov, arrêté par les troupes spéciales russes et dont la famille était sans nouvelles aboutira, en 2005, à la condamnation d'un policier, Sergueï Lapine, à onze années de prison pour faits de torture. L'engagement d'Anna Politkovskaïa excède largement son devoir de journaliste et l'amène à s'impliquer en faveur de la défense des droits de l'homme et aux côtés des victimes oubliées de la guerre.
En 2001, lors d'un reportage sur les camps de détention en Tchétchénie, dans le district de Vedeno, elle est détenue quelques jours par les forces russes. Menacée de mort et de viol, elle est finalement expulsée du territoire tchétchène. Après la parution de l'article qui devait mener à l'arrestation de Sergueï Lapine, Anna Politkovskaïa reçoit des courriers électroniques assez menaçants pour que la journaliste bénéficie d'une protection. Sa popularité est croissante. En octobre 2002, lors de la prise d'otages du théâtre de la Doubrovka, elle tente une médiation entre les forces de l'ordre et le commando tchétchène. Malheureusement, cette proposition n'obtient pas le soutien du Kremlin.[...]
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Écrit par
- Elsa VIDAL : responsable du bureau Europe ex-URSS de Reporters sans frontières
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