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ANNE COMNÈNE (1083-1148)

Fille aînée de l'empereur Alexis Ier (qui régna de 1081 à 1118), Anne Comnène, née en 1083, épousa le césar Nicéphore Bryennios et brigua en vain la couronne impériale. L'échec de ses ambitions politiques lui valut une retraite forcée qu'elle mit à profit pour reprendre un projet laissé inabouti par la mort de son époux. À la demande de sa belle-mère, ce dernier avait commencé à écrire l'histoire du règne d'Alexis Ier. Sa femme se servit de ce travail, des archives impériales auxquelles elle avait eu accès, des témoignages des membres et des proches de sa famille ainsi que de ses propres souvenirs. Le résultat fut un ouvrage monumental en quinze livres, L'Alexiade, écrit sous le règne de Manuel Ier (1143-1180). La familière des grands auteurs grecs qu'était la princesse impériale eut soin d'employer une langue classique et recherchée, voire artificielle.

L'objet du livre était de raconter les hauts faits du père d'Anne Comnène. Malgré des erreurs d'ordre chronologique, l'ouvrage constitue sur ce règne, qui marqua un renouveau de la puissance byzantine, une source historique de premier ordre, en raison des qualités et du rang de son auteur. Anne Comnène livre notamment de précieux renseignements sur la psychologie d'Alexis Ier et de son entourage. Elle montre de manière suggestive le fossé séparant les Byzantins des croisés, qui arrivèrent dans l'empire à partir de 1096. Pour Anne Comnène, l'idée d'une croisade déclenchée par le pape et l'Église était incompréhensible, car la guerre était le fait du seul empereur. L'Alexiade dépeint ainsi les Latins comme des êtres courageux, mais incultes et orgueilleux, et se montre très critique à l'égard des papes.

L'ouvrage abonde en précieuses notations sur la géographie de l'empire ainsi que sur la situation de son armée et de sa flotte, dont la composition et les problèmes sont indiqués en détail. La vision qui est donnée de la société byzantine est évidemment parcellaire et déterminée par l'origine princière de l'auteur, mais L'Alexiade n'en demeure pas moins fondamentale pour l'histoire politique de la période. Le livre est extrêmement suggestif en ce qui concerne la culture byzantine. Anne Comnène multiplie avec un plaisir évident les allusions à la mythologie grecque et le style même de L'Alexiade témoigne du renouveau de l'enseignement et des études classiques dont Anne Comnène crédite son père. Mais, dans le même temps, Anne est animée d'une piété profonde et décrit avec vigueur la foi des Byzantins, qui constitue un des éléments les plus importants de leur identité face à leurs ennemis orientaux et occidentaux. L'Alexiade est très représentative de l'humanisme byzantin, qui reprend de l'Antiquité un certain nombre de références et de techniques d'écriture et les met au service de valeurs chrétiennes. De plus, l'ouvrage a une fonction apologétique évidente et doit justifier la confiscation du pouvoir par la famille des Comnènes. Mais les talents littéraires d'Anne Comnène et l'intérêt historique de son témoignage suffisent à conférer à L'Alexiade une place de choix dans la littérature byzantine.

— Pascal CULERRIER

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé d'histoire, docteur en histoire byzantine de l'université de Paris-I, chargé de cours à l'université de Paris-VIII (histoire byzantine)

Classification

Autres références

  • BYZANCE - La littérature

    • Écrit par et
    • 6 068 mots
    ...d'Alexis Ier, a laissé une Histoire inachevée des années 1070-1074, très bien informée, dans un style sec consciemment imité de Xénophon. Sa femme, Anne Comnène est le meilleur historien du xiie siècle (1083-1148), avec son Alexiade, œuvre empreinte d'une piété familiale exemplaire. Son récit a...