DACIER ANNE, née LEFÈVRE (1654-1720)
Fille de l'érudit français Tanneguy Lefèvre et femme de l'érudit André Dacier — elle-même célèbre érudite. Après avoir reçu les leçons de son père, Anne Lefèvre est protégée, quand elle devient orpheline, par Chapelain et par Huet, et chargée, grâce au duc de Montausier, de fournir quelques-uns des volumes de la collection destinée à l'éducation du dauphin (« ad usum Delphini »). C'est ainsi que, de 1674 à 1684, elle traduit et annote quatre auteurs latins : Florus, Aurelius Victor, Eutrope et Dictys de Crète. Excellente helléniste, elle publie, dès 1675, une édition de Callimaque, puis en 1681, les Poésies d'Anacréon et de Sapho. C'est en 1683 qu'elle épouse Dacier (on pourra parler du « mariage du grec et du latin ») ; le couple se convertit au catholicisme en 1685.
Mme Dacier traduit trois comédies de Plaute et, ne manquant pas d'audace, le Plutus et les Nuées d'Aristophane, puis le théâtre de Térence. Elle traduit surtout Homère : L'Iliade en 1699, L'Odyssée en 1708. Ces deux traductions feront longtemps autorité : elles sont généralement fidèles — même si, aux yeux du lecteur moderne, elles ne respectent pas suffisamment les mots propres et les réalités de la civilisation antique — et possèdent un mouvement et une chaleur qui feront dire à Sainte-Beuve de leur auteur : « Elle est peut-être, encore aujourd'hui, pour l'ensemble, le traducteur qui donne le plus l'idée de son Homère. » Ces traductions seront à l'origine d'une retentissante polémique. Houdar de La Motte, qui ne savait pas le grec, tire de la traduction de L'Iliade une adaptation en vers, où il ne retient que la moitié du poème — ce qu'il y a trouvé de moins vieilli et de moins ennuyeux. Mme Dacier proteste aussitôt contre ce sacrilège dans un vigoureux pamphlet sur les Causes de la corruption du goût (1713). Houdar répliquera, d'autres se mêleront à ce dernier épisode — souvent grotesque — de la querelle des Anciens et des Modernes. Il aura fallu cette injure au plus cher de ses Anciens pour faire sortir Anne Dacier de la réserve qui lui était coutumière. « Elle n'était savante, écrit Saint-Simon, que dans son cabinet ou avec les savants ; partout ailleurs simple, unie, avec de l'esprit, agréable dans la conversation, où on ne se serait pas douté qu'elle sût rien de plus que les femmes les plus ordinaires. » On appréciera à sa juste valeur cet éloge adressé à une femme qui, à vingt et un ans (trois ans après la première représentation des Femmes savantes), avait déja traduit Florus en français, Callimaque en latin.
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Écrit par
- Bernard CROQUETTE : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII
Classification
Autres références
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ANCIENS ET MODERNES
- Écrit par Milovan STANIC et François TRÉMOLIÈRES
- 5 024 mots
- 4 médias
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