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SAVARY ANNE JEAN MARIE RENÉ (1774-1833) duc de Rovigo (1808)

Fils d'un major de la place de Sedan, Savary s'engage à dix-sept ans et sert dans l'armée du Rhin de 1792 à 1797. Il devient aide de camp de Desaix, le suit en Égypte, est encore à ses côtés à Marengo ; c'est la plus sûre recommandation aux yeux de Bonaparte qui se l'attache aussitôt. En septembre 1801, Savary est nommé chef de la légion de gendarmerie d'élite attachée à la personne du Premier consul ; il est chargé, à ce titre, de plusieurs missions de confiance (l'une d'elles sera de procéder à l'exécution du duc d'Enghien en 1804). De temps à autre, il lui est accordé de faire encore office de soldat en dépit de ses fonctions policières : c'est ainsi que, remplaçant à la tête d'un corps d'armée, Lannes étant malade, il remporte une victoire à Ostrolenka (16 févr. 1807). Il lui arrive aussi d'être essayé dans la diplomatie : ambassadeur en Russie après Tilsitt, l'homme-qui-a-fusillé-l'infortuné-duc-d'Enghien n'essuie que des affronts à la cour du tsar et doit vite céder la place à Caulaincourt. Mais, aux yeux de tous, Savary s'identifie de plus en plus à un personnage odieux : le gendarme chef de la police parallèle et militaire de l'Empire. Lorsque, le 6 juin 1810, il est nommé ministre de la Police après la disgrâce de Fouché, l'opinion publique est atterrée. « C'est vraiment une circonstance qui marque la bizarrerie du siècle, note l'ambassadeur d'Autriche, Schwarzenberg, de voir un des suppôts les plus abhorrés du Comité de salut public suivi dans sa disgrâce du regret général de toute la nation. »

Bizarrerie plus grande encore : Savary est aussi aveuglément qu'ardemment dévoué à Napoléon, avec le fanatisme d'un séide, mieux, avec le zèle d'un gendarme ; et, en même temps, ce roturier, ancien soldat de la Révolution, duc de Rovigo par la grâce de Napoléon, s'est retrouvé marié, par la volonté de son maître qui entend multiplier ce genre d'unions ou de brassages, avec une fille de bonne et vieille noblesse ; son épouse lui en impose impérieusement et, pour ne pas encourir ses remontrances, il ne voudrait causer le moindre ennui à ces gens comme il faut chez lesquels Fouché était si bien reçu et chez lesquels il ne parvient pas à avoir ses entrées. Le pire malheur n'est pas d'être un faible ; c'est, étant un faible, d'être satellisé par des fascinations antagonistes. Le faible gendarme sera donc un déplorable ministre de la Police, tout incapable d'animer comme Fouché un service de renseignements et d'autant plus porté à réprimer qu'il se sent confusément bafoué, inutilement brutal par saccades et soudain fermant les yeux aux manœuvres royalistes les plus obvies, détesté mais ne servant de rien. On en aura la meilleure preuve lors de la conspiration de Malet en 1812 : Savary ne se doutait de rien ; il se laisse arrêter et jeter en prison sans résistance.

Fouché pouvait trahir parce qu'il avait des idées derrière la tête ; d'idées, Savary n'en a guère, ni derrière la tête ni dedans ; du moins est-il fidèle : il se tient à l'écart pendant la première Restauration ; il vient reprendre son poste aux Cent-Jours ; il fait l'impossible en juillet 1815 pour obtenir de suivre Napoléon à Sainte-Hélène. « Savary était au désespoir, note Montholon au sujet du refus opposé par les Anglais à sa demande, il aimait l'empereur de tout son cœur, et si vivement que je ne puis comparer ce sentiment qu'à celui du chien pour son maître. »

Emprisonné à Malte par les Anglais, condamné à mort par contumace par les Français, Savary connaîtra plus d'un déboire avant de se retrouver commandant militaire en Algérie par la grâce de Louis-Philippe. Les royalistes, ingrats pour les atermoiements du ministre,[...]

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