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TURGOT ANNE ROBERT JACQUES, baron de l'Aulne (1727-1781)

Fils du prévôt des marchands de Paris, Turgot fait des études à Louis-le-Grand, puis au collège de Plessis. Destiné à l'état ecclésiastique, il entre au séminaire de Saint-Sulpice, où il révèle un esprit distingué capable de traduire des textes en hébreu, en grec, en latin, en allemand et en anglais. Élu prieur à la Sorbonne en 1749, il prononce, en 1750, le discours Des progrès successifs de l'esprit humain et celui des Avantages que le christianisme a procurés au genre humain. Il discute les théories de Maupertuis sur le langage et il écrit une géographie politique. À la mort de son père, il renonce à l'état ecclésiastique, collabore à l'Encyclopédie, s'oriente vers la magistrature, devenant conseiller puis maître des requêtes au parlement de Paris. Il unit un certain stoïcisme à la philanthropie de son siècle ; Malesherbes devine en lui « le cœur de L'Hôpital et la tête de Bacon ». Turgot prend part aux discussions religieuses, écrit les Lettres sur la tolérance en 1753, Lettre à un magistrat en 1754 ; il y préconise la tolérance et même la séparation de l'Église et de l'État. Intéressé par les questions économiques, il partage les idées des physiocrates et accompagne Gournay dans ses tournées d'intendant de commerce en 1755-1756, puis il voyage en Suisse et en Alsace.

Nommé intendant de Limoges par Bertin en 1761, il essaie d'appliquer ses théories dans ce pays pauvre, réalise une répartition plus juste de la taille, supprime la corvée, allège les charges du paysan. Il encourage les cultures nouvelles (pomme de terre), autorise la libre circulation des grains ; il construit des routes, embellit Limoges. Il écrit des Lettres sur la liberté de commerce des grains, un essai intituléRéflexions sur la formation et la distribution des richesses (1766) qui devance le célèbre traité d'Adam Smith, un Mémoire légitimant le prêt à intérêt (1770). À l'avènement de Louis XVI, il est nommé secrétaire d'État à la Marine, puis contrôleur général des Finances. Décidé à repousser la banqueroute, ainsi que toute augmentation d'impôt et tout emprunt, il veut réduire les dépenses au-dessous des recettes et généralise les réformes tentées en Limousin. Il envisage l'abolition de la dîme et de la plupart des droits féodaux. Il veut libérer l'industrie et le commerce de leurs entraves. Il désire instruire le peuple pour obtenir plus d'efficacité dans le travail et une participation à l'élection d'une hiérarchie d'assemblées représentatives.

Selon Mme du Deffand, le « nouveau Sully » réalise quelques économies. Reprenant les idées de Bertin et de Laverdy, il proclame la liberté de circulation des grains et de leur importation en 1774. Il supprime les corporations et la corvée royale, il institue une subvention territoriale sans privilèges pour l'entretien du réseau routier. Il crée une Caisse d'escompte.

Le temps a manqué à Turgot pour parachever ses réformes et peut-être sauver la monarchie. Il se fait des ennemis par ses innovations et son manque d'aménité. La première phase de son ministère, dominée par les problèmes techniques, déclenche l'incompréhension populaire et la guerre des farines. La seconde phase, dominée par les problèmes politiques, suscite l'incompréhension parlementaire. Tous se liguent contre Turgot. La cabale, conduite par la reine et le comte de Provence, persuade Louis XVI de se détacher de ce ministre. Le roi est blessé par la mise en garde de Turgot : « N'oubliez pas, sire, que c'est la faiblesse qui a mis la tête de Charles Ier sur un billot. » Il lui intime l'ordre de quitter Versailles, sans reparaître à la Cour. Turgot meurt cinq ans plus tard.

— Louis TRENARD

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lille

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