OTTER ANNE SOFIE VON (1955- )
Un physique élancé ainsi qu'un timbre ambigu la prédisposaient aux emplois de travestis. La Suédoise Anne Sofie von Otter a en effet remporté dans ces rôles – dont les plus connus portent la signature de Gluck, de Haydn, de Mozart et de Richard Strauss – de mémorables et constants succès. Elle saura néanmoins, sans violenter les limites d'une voix ténue mais souple et sensible, élargir intelligemment son répertoire – vers les partitions baroques tout autant qu'en direction des musiques de son temps – et rester l'une des mezzo-sopranos les plus fêtées des scènes internationales.
Fille d'un diplomate suédois, Anne Sofie von Otter voit le jour à Stockholm le 9 mai 1955. Elle commence ses études musicales au Conservatoire royal de sa ville natale, et les poursuit à la Guildhall School of Music and Drama de Londres avec Vera Rosza pour le chant ; elle étudie aussi l'art du lied avec les pianistes Erik Werba (à Vienne) et Geoffrey Parsons (à Londres), maîtres incontestés de l'accompagnement. Tout au long de sa carrière, elle pratiquera, le plus souvent avec le clavier de Bengt Forsberg – le début de leur collaboration date de 1980 –, le lied mais aussi les mélodies françaises et suédoises, et cela avec autant d'art que de simplicité. En 1981 et 1982, elle appartient à la troupe qui donne régulièrement dans le Théâtre du château royal de Drottningholm, près de Stockholm, des opéras du xviiie siècle en costumes – instrumentistes compris – et décors d'époque (c'est ce cadre qu'avait choisi Ingmar Bergman pour tourner, en 1974, son film La Flûte enchantée, d'après le Singspiel de Mozart).
De 1983 à 1985, Anne Sofie von Otter est membre de l'Opéra de Bâle. Elle y interprètera Alcina (Orlando paladino de Haydn), Cherubino (Les Noces de Figaro de Mozart), Orphée (Orphée et Eurydice de Gluck) – elle y réintroduit le redoutable air « Amour, viens rendre à mon âme », conservé dans la version remaniée par Berlioz à l'intention de Pauline Viardot mais ignoré jusque-là –, ainsi qu'Hänsel (Hänsel und Gretel de Engelbert Humperdinck).
Elle débute au festival d'Aix-en-Provence en 1984 (Ramiro dans La Finta Giardiniera de Mozart), puis au Covent Garden de Londres (Cherubino) en 1985. C'est le début d'une carrière exceptionnelle. Elle fait applaudir les deux personnages fétiches pour lesquels on lui connaît peu de rivales – Cherubino et Octavian du Chevalier à la rose de Richard Strauss – à Genève, Cologne, Berlin, au Metropolitan Opera de New York et à la Scala de Milan. Elle reçoit en 1986 le prix de la fondation Maria Callas. Elle chante avec la même aisance Sextus dans Giulio Cesare de Haendel ou dans La Clemenza di Tito de Mozart, Ruggiero (Alcina de Haendel), Nerone et Ottavia (L'Incoronazione di Poppea de Monteverdi), Idamante (Idomeneo de Mozart), Clairon (Capriccio de Richard Strauss), le Compositeur (Ariane à Naxos de Richard Strauss) et le rôle-titre d'Alceste de Gluck. Elle se produit pour la première fois au festival de Salzbourg en 1992 (Ramiro) et à l'Opéra de Paris en 1994.
Elle étend progressivement son territoire aux œuvres symphoniques et religieuses des xixe et xxe siècles (Beethoven, Berlioz, Ravel, Mahler, Maurice Duruflé...). Élue par les plus grands chefs – Georg Solti, Bernard Haitink, Carlos Kleiber, John Eliot Gardiner, James Levine, Claudio Abbado, Marc Minkowski, Colin Davis, Trevor Pinnock, Pierre Boulez, Giuseppe Sinopoli, Neville Marriner, Myung-Whun Chung, Kent Nagano, William Christie, Reinhard Goebel... –, elle côtoie l'élite du chant : Thomas Hampson, Laurent Naouri, Barbara Bonney, Andreas Scholl, Natalie Dessay, Thomas Quasthoff, Yvonne Kenny, Bryn Terfel, Tom Krause, Renée Fleming, Kiri Te Kanawa, Arleen Augér, Felicity Lott, Barbara Hendricks... Au concert (à Paris) puis[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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