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MUTTER ANNE-SOPHIE (1963- )

De Mozart au XXIe siècle

D'emblée, Anne-Sophie Mutter fuit le terrain de jeu habituel des enfants prodiges du violon, ces pièces de virtuosité pure et ces mélodies charmeuses qui éblouissent tant les foules, même si elle est capable d'interpréter, tout en dirigeant, les cinq concertos pour violon et la Symphonie concertante pour violon et alto de Mozart en deux jours consécutifs (les 28 et 29 août 2002 au festival de Salzbourg) ! C'est dans Mozart, Beethoven, Brahms et Max Bruch qu'elle s'exprime dès ses débuts. La maturité venue, elle leur restera fidèle. La critique est souvent désarçonnée par une quête de la vérité des œuvres qui l'amène parfois loin des sentiers battus, tantôt avec une liberté proche de l'improvisation, tantôt avec des raffinements frôlant la préciosité, tantôt avec une rigueur cousine de l'aridité. Mais le public, séduit par une sonorité royale, remplit toujours les salles.

Anne-Sophie Mutter a mis très tôt – la chose n'est pas si fréquente – une technique très sûre, une lecture approfondie des structures musicales et des moyens hors du commun au service des partitions nouvelles. Elle a ainsi créé Chain 2 – avec le Collegium Musicum de Zurich sous la direction du dédicataire de l'œuvre, Paul Sacher (1986) – et la version orchestrale de la Partita de Lutosławski (1990), « En rêve », concerto pour violon et orchestre de chambre, de Norbert Moret (pièce qu'elle a commandée et qui lui est dédiée, 1988), le Deuxième Concerto pour violon et orchestre « Metamorphosen », dont elle est la dédicataire (1995), la Deuxième Sonate pour violon et piano (2000), Duo concertante, pour violon et contrebasse (2011)
 et La Follia (2013) de Krzysztof Penderecki, GesungeneZeit (1992), LichtesSpiel, pour violon et ensemble (2009) et Dyade, pour violon et contrebasse(2011) de Wolfgang Rihm, le Nocturne pour violon et orchestre « Sur le même accord » d'Henri Dutilleux (2002), le Concerto pour violon « Anne-Sophie » (2002), le Double Concerto pour violon et contrebasse (2007), le Concerto pour violon et alto (2009) d’André Previn, In Tempus Praesens, concerto pour violonde Sofia Goubaïdoulina (festival de Lucerne, avec l'Orchestre philharmonique de Berlin dirigé par Simon Rattle, 2007), Aftersong, pour violon et piano (1994) et Time Machines, concerto pour violon et orchestre (2011) de Sebastian Currier.

La discographie d'Anne-Sophie Mutter manifeste la même exigence. On n'y trouve que de furtifs abandons au brillant violonistique, bien éloignés de son tempérament naturel – Mendelssohn, Lalo et Sarasate – et qu'une faiblesse notoire, avec une bien étrange vision des Quatre Saisons de Vivaldi, écho d'un autre âge, avec le Philharmonique de Berlin. Les grands concertos du répertoire, sous la direction d'Herbert von Karajan, Seiji Ozawa, James Levine, Riccardo Muti ou André Previn, sont en revanche animés avec un sens de la ligne qui force l'admiration. Bien entendu, la musique du xxe siècle y occupe une place de choix : Dvořák, Bartók, Berg, Rihm, Stravinski, Moret, Korngold, Prokofiev, Webern, Michael Finnissy, et, sous la direction des compositeurs, Lutosławski et Penderecki. Parmi ses partenaires réguliers, il faut citer le pianiste Lambert Orkis, les violoncellistes Yo-Yo Ma et Antonio Meneses, ainsi que l'altiste Yuri Bashmet. Personnalité en marge du monde des spectacles, Anne-Sophie Mutter mène une carrière intransigeante, dédiée à la recherche et à l'exploration. Il n'est pas toujours très facile de la suivre sur ces chemins escarpés...

— Pierre BRETON

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Média

Anne-Sophie Mutter - crédits : Evening Standard/ Hulton Archive/ Getty Images

Anne-Sophie Mutter