WIAZEMSKY ANNE (1947-2017)

Une quête mémorielle

Mon enfant de Berlin (2009) poursuit cette quête mémorielle, à travers le récit de la rencontre amoureuse de deux jeunes gens dans la guerre, Claire Mauriac, ambulancière de la Croix-Rouge dès 1944, et Yvan Wiazemsky, les parents de la romancière. Là encore, les lettres de sa mère à ses parents, réinscrites dans le roman, donnent au livre son poids de vérité.

Véritable saut dans le temps par rapport à ces œuvres, Jeune Fille (2007) raconte l’aventure du film Au hasard Balthazar (1966) de Robert Bresson, premier rôle d’Anne Wiazemsky au cinéma. Déterminée à quitter une enfance sage, celle-ci pénètre d‘emblée dans le monde du cinéma, sous le charme possessif d’un Robert Bresson qui enferme sa protégée dans une relation exclusive. Les états d’âme juvéniles, émotions et silences, éclosent dans ce roman personnel, plus près de l’imaginaire que de la vérité. La distance entre les années de formation revisitées par l’écrivain et le moment de l’écriture enclenche l’évidence d’une vie ressaisie dans sa justesse.

Après ces premiers pas, deux livres vont suivre, restituant la jeunesse estudiantine et les débuts d’une actrice de cinéma. Dans Une année studieuse (2012), la « jeune fille » est devenue moins taiseuse et plus active. Entre les étés de 1966 et 1967, elle est aux prises avec le bac en septembre, l’inscription à la faculté de Nanterre où se profile l’étudiant rayonnant Dany Cohn-Bendit, l’éblouissement de la rencontre avec Godard avec lequel elle se marie, et le tournage de La Chinoise.

Une même impression d’immédiateté perce dans Un an après (2015). L’existence quotidienne y est réinventée par une jeune femme vibrante. L’époque, mythique, fait d’autant de micro-événements, à la fois personnels et collectifs, un roman rêvé et vécu, dans la joie vivante d’être au monde. Au cours des événements de 1968, du limogeage d’Henri Langlois, fondateur de la Cinémathèque française, à l’occupation de l’Odéon, la narratrice observe les revendications et les colères de sa génération, se déplaçant en patins à roulettes dans les rues vides de Paris qui s’enflamment le soir. À cette effervescence correspond le délitement de l’union orageuse avec Godard.

Romancière autobiographe, Anne Wiazemsky s’est pliée à la force d’une contrainte : ne jamais en savoir plus que ce que le personnage vit au moment des événements, s’en tenir à la simple hauteur des faits pour restituer la vérité de l’instant, son authenticité première.

Anne Wiazemsky meurt à Paris le 5 octobre 2017.