ANNEAUX COMMUTATIFS
Les anneaux de Dedekind et la théorie multiplicative des idéaux
L'extension de l'arithmétique classique aux anneaux d'entiers algébriques s'est longtemps heurtée au fait que ces anneaux ne sont pas factoriels. Par exemple, dans l'anneau Z[√− 3]des nombres complexes de la forme a + ib √3, a, b entiers relatifs, le nombre 4 admet les deux décompositions :
en facteurs premiers non associés deux à deux et par suite cet anneau n'est pas factoriel. Dedekind, à partir des travaux de Kummer, mit en évidence que, pour un tel anneau A, la notion importante était celle d'idéal premier et non pas d'élément premier, comme pouvait le faire croire l'étude élémentaire des entiers relatifs. En somme, tout revient ici à remplacer l'étude du monoïde A* des éléments non nuls de A par celle du monoïde M(A) des idéaux non nuls de A ; on trouve l'unicité de la décomposition en facteurs premiers « idéaux ». Chaque élément a non inversible de A* étant identifié à l' idéal principal (a) qu'il engendre peut ainsi s'écrire, de manière unique, comme un produit d'idéaux premiers.La définition abstraite des anneaux de Dedekind que nous formulons ici a été donnée pour la première fois, en 1927, par la mathématicienne allemande Emmy Noether.
Anneaux de Dedekind
Par définition, on appelle anneau de Dedekind tout anneau intégralement clos et noethérien (c'est-à-dire dans lequel tout idéal est engendré par un nombre fini d'éléments) dans lequel tout idéal premier non nul est maximal. Cela signifie que le quotient de A par un idéal premier non nul quelconque est non seulement un anneau d'intégrité mais même un corps.
L'exemple le plus simple d'un tel anneau est l'anneau Z[√ d]des nombres de la forme a + b √ d, a, b entiers relatifs, d entier tel que d ≡ 2 ou 3 (mod. 4). Plus généralement, Dedekind a démontré que, si K est une extension finie du corps Q des nombres rationnels (K est appelé un corps de nombres algébriques), alors la fermeture intégrale A de l'anneau Z dans K est un anneau de Dedekind (A est appelé l'anneau des entiers du corps K). En fait, l'exemple précédent, qui est très important en théorie des nombres, est lui-même un cas particulier du résultat algébrique suivant : soit A un anneau de Dedekind, de corps des quotients K, et soit L une extension finie de K ; alors la fermeture intégrale de A dans L est un anneau de Dedekind.
L'intérêt essentiel des anneaux de Dedekind réside dans la structure particulièrement simple, pour un tel anneau, du monoïde M(A) des idéaux non nuls. On a le résultat suivant : un anneau d'intégrité A est un anneau de Dedekind si, et seulement si, tout idéal non nul de A s'écrit de manière unique (à l'ordre près des facteurs) comme produit d'idéaux premiers non nuls. Soit a un tel idéal non nul ; écrivant pa si l'idéal premier p figure a fois dans la décomposition de a, on peut donc écrire a de manière unique sous la forme :
les pi étant des idéaux premiers distincts. Désignant par P l'ensemble des idéaux premiers non nuls de A, on écrit souvent cette décomposition sous la forme :en convenant que vp(a) = 0 quand l'idéal premier p ne figure pas dans la décomposition de a ; par définition le produit ci-dessus est alors égal au produit fini correspondant aux idéaux tels que vp(a) > 0. L'intérêt de cette convention réside dans des formules du type suivant : si a et b sont deux idéaux, alors on a :c'est-à-dire, avec les notations ci-dessus, vp(ab) = vp(a) + vp(b).Remarquons que l'existence et l'unicité de la décomposition de tout idéal de M(A) comme produit d'idéaux premiers permet d'appliquer à M(A) tous les résultats élémentaires relatifs à la divisibilité[...]
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Écrit par
- Jean-Luc VERLEY : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-VII
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