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ANNÉE SAINTE

D'après le Lévitique, xxv, 8-55, l'année sainte est envisagée comme une tentative de redressement social, où l'esclave retrouvait sa liberté et l'homme endetté son patrimoine : « Tu compteras 7 semaines d'années, c'est-à-dire le temps de 7 semaines d'années, 49 ans ; le 7e mois, le 10e jour, tu feras retentir l'appel de la trompe. Le jour des expiations, vous sonnerez de la trompe dans tout le pays. Vous déclarerez sainte cette 50e année et proclamerez l'affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé ; chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous rentrera dans son clan. Cette 50e année sera pour vous une année jubilaire. » Le mot « jubilé » (jubilaeus) fut utilisé par saint Jérôme précisément pour désigner cette pratique biblique annoncée par le son du cor (yōbēl) et la mise en œuvre de la doctrine selon laquelle la terre appartient d'abord à Dieu, qui la destine à tous les hommes.

Mais l'institution de l'année sainte, qui offre aux catholiques une occasion de payer leurs dettes envers Dieu, n'apparaît qu'à l'extrême fin du xiiie siècle. Un mouvement populaire l'obtint de Boniface VIII, demandant la résurrection d'un privilège qui avait été accordé par les papes de l'époque des croisades et qui consistait, pour stimuler l'énergie des fidèles, à leur octroyer remise de toutes les peines dues à leurs péchés. Devant l'affluence croissante des pèlerins à Rome, le pape consulta les cardinaux et publia, le 22 février 1300, la bulle Antiquorum, qui accordait, pour toute l'année, à compter de Noël 1299, à quiconque visiterait les deux basiliques des saints apôtres le plus large pardon (veniam non solum plenam sed largiorem, immo plenissimam), sous la condition de consacrer à cette visite trente jours pour les Italiens, quinze pour les étrangers. Ainsi affluèrent, durant l'année, 200 000 visiteurs, soit bien plus que la population habituelle de la ville. La bulle de clôture, à Noël 1300, accorda de surcroît l'indulgence à tous ceux qui n'avaient pu, faute de temps, accomplir entièrement le pèlerinage. Un autre jubilé avait été prévu pour 1400, mais on supplia Clément VI (1342-1352), en Avignon, de revenir au chiffre biblique de cinquante ans ; le pape se laissa convaincre, en raison de la brièveté de la vie humaine. Sa bulle du 27 janvier 1349 ajoutait aux deux basiliques à visiter celle de Saint-Jean-de-Latran. En 1350, vinrent ainsi à Rome 1 200 000 pèlerins, l'indulgence ayant été alors, pour la première fois, étendue aux fidèles accomplissant hors de la Ville éternelle une démarche similaire.

La périodicité du jubilé fut ramenée à trente-trois ans par la bulle Salvator noster d'avril 1389. Le succès fut cependant moindre, en raison du grand schisme d'Occident, qui éclata en 1378 ; en outre, Boniface IX avait accordé aux fidèles d'Angleterre et du Portugal l'autorisation de gagner l'indulgence en effectuant un pèlerinage dans les églises de leurs pays, au lieu de venir à Rome, sous la condition de verser en offrandes le prix que leur eût coûté le voyage. À partir de 1475 et jusqu'en 1800, les jubilés se succédèrent régulièrement tous les vingt-cinq ans. Pie VI étant mort en captivité en 1799 et Rome étant occupée par les armées françaises, la tradition fut interrompue au début du xixe siècle. Elle fut remise en vigueur par Pie IX, en 1875, malgré les avis de certains de ses conseillers. En dehors de la périodicité inaugurée en 1475 par Paul II, se déroulent aussi des jubilés extraordinaires, tel celui « de la Rédemption » en 1933, sous Pie XI, et celui de 1983, décrété par Jean-Paul II.

— Régis HANRION

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