SCHWARZENBACH ANNEMARIE (1908-1942)
« Ange inconsolable » (Roger Martin du Gard), « ange dévasté » (Thomas Mann), Annemarie Schwarzenbach reste indissociablement liée, pour la postérité, au portrait réalisé par la photographe Marianne Breslauer (1932) et au roman d' Ella Maillart, La Voie cruelle (1947), dont elle est l'héroïne.
Cette double image, aussi juste qu'elle soit, laisse dans l'ombre la production littéraire de l'auteur. Née en 1908 à Zurich dans une famille appartenant à la grande bourgeoisie, elle mourut à trente-quatre ans, usée prématurément par la drogue, d'un accident de vélo à Sils-Baselgia, en Engadine (Suisse). Entre ces deux dates, elle aura parcouru le monde, le plus souvent au volant de sa voiture, écrit une douzaine de récits, nouvelles et romans, d'innombrables articles et contributions à des revues, des reportages, sans compter les photographies et une correspondance abondante avec, entre autres, Erika et Klaus Mann, Claude Bourdet, Carson McCullers et Ella Maillart.
« Je ne souhaite rien d'autre que de voyager – de monde en monde [...] Je n'ai encore jamais aspiré à quelque chose avec autant d'ardeur. » (1926). À dix-huit ans, Annemarie Schwarzenbach pose ainsi les prémices d'une vie dont les deux piliers seront l'écriture et l'errance, l'itinérance, en quête d'un absolu qu'elle n'a pas trouvé dans son milieu familial aussi conservateur que rigide. Historienne de formation, elle écrit les premiers textes littéraires connus à Paris où elle termine ses études : des nouvelles (Pariser Novelle, Erik). Elle fait en même temps ses débuts dans le journalisme pour le Neue Zürcher Zeitung.
La rencontre avec Klaus et Erika, les enfants du « magicien » Thomas Mann, infléchit définitivement le cours de sa vie. Elle les suit à Berlin (1931, Lyrische Novelle[Nouvelle lyrique, 1994]) où son style androgyne fait fureur. Elle fréquente les clubs de travestis, fréquente la scène homosexuelle autour de Nollendorfplatz, s'initie à la morphine, transgressant sans réserve tous les tabous de son milieu. C'est au cours de son second séjour à Berlin, après différents voyages en Europe, qu'elle prend conscience de la situation politique et économique de l'Allemagne . Elle écrit alors à Klaus Mann (1932), aussi lucide qu'horrifiée : « Je me demande [...] si les gens saisissent vraiment la signification des événements, à savoir que non seulement une tendance odieuse prend provisoirement le dessus, mais qu'un peuple tout entier [...] s'engage sur cette voie pour des années par le biais de cette révolution considérable. » Protégée par sa nationalité suisse, elle a découvert l'horreur du nazisme et la signification de l'exil politique à travers le destin de la famille Mann. Avec Klaus Mann qu'elle accompagne en 1934 à Moscou au congrès des écrivains soviétiques (elle y rencontrera entre autres Gorki et le jeune Malraux). L'année précédente, elle avait formé le projet, avec Klaus Mann, d'une revue antifasciste, Die Sammlung, qui verra le jour dès 1933 aux éditions Querido, et qu'elle financera quelque temps. Juste après l'Anschluss (1938), c'est à la demande de Klaus Mann qu'elle se rend en Autriche pour rétablir le contact entre émigrés allemands et résistants autrichiens et aider certains d'entre eux à quitter le pays.
Cette dimension politique va façonner l'ensemble de son œuvre. Ses reportages et ses photos, comme ses œuvres de fiction révèlent à la fois le regard de l'ethnologue et celui de la journaliste engagée. Elle se rend à quatre reprises aux États-Unis (en 1940 pour retrouver ses amis Mann, en particulier Erika pour laquelle elle éprouve un amour malheureux). Là, elle écrit des reportages pour le Neue Zürcher Zeitung sur la région industrielle de Pittsburgh, la[...]
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Écrit par
- Nicole BARY
: directrice de l'association
Les Amis du roi des Aulnes , traductrice
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Autres références
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