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MESSAGER ANNETTE (1943- )

La taxidermie considérée comme l'un des beaux-arts

Dans « l'atelier », Annette Messager s'adonnait à de bien curieuses manipulations. Elle avait imaginé comme « pensionnaires » des moineaux empaillés, qu'elle maintenait au repos forcé en les emmaillotant, qu'elle faisait promener en les fixant sur des socles à roulettes, actionnés par des ressorts, ou bien qu'elle punissait en les attachant, les pattes en l'air, sur des supports métalliques vissés (Le Repos des pensionnaires, La Punition des pensionnaires, 1971-1972). Ces œuvres sont profondément marquées par l'expérience de la taxidermie. D'une taxidermie redoublée en quelque sorte, puisque ces oiseaux, déjà figés par leur naturalisation, se retrouvent fixés à des instruments qui relèvent plus de la torture que de l'univers éducatif. On retrouve ce redoublement dans des pièces qui mettent en scène des animaux naturalisés recouverts de filets, de moustiquaires et de masques en peluche, empalés sur des piques (Anonymes, 1993).

Ces traitements sont loin d'être innocents. Annette Messager n'a jamais eu de l'art une vision éthérée ou idyllique. Elle a toujours été consciente que l'expérience esthétique avait partie liée avec la cruauté et la souffrance. « Être artiste, remarque-t-elle, c'est à chaque instant guérir ses blessures et les rouvrir, dans un même mouvement. [...] J'ai toujours beaucoup emprunté à l'art religieux et populaire, à l'art brut, aux images de l'hystérie, mais aussi aux traditions arabes, indiennes ou tantriques... Ce sont des expressions la plupart du temps liées à la souffrance, à la pauvreté, au malheur ou à la détresse humaine. » La taxidermie n'est pas seulement ici une activité artisanale qui consiste à « empailler les animaux morts pour les conserver avec l'apparence de la vie », elle devient la métaphore essentielle des procédures en jeu chez l'artiste. En tant que gel et figement du mouvement, la photographie qu'Annette Messager n'a cessé, depuis le début, d'utiliser (et de maltraiter, en la mêlant au dessin, à la peinture ou à l'objet) n'opère en effet pas autrement.

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Écrit par

  • : critique d'art, professeur d'esthétique à l'École nationale d'arts de Cergy-Pontoise
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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