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SADATE ANOUAR EL- (1918-1981)

Si de Gaulle était tombé sous les balles de l'O.A.S. le 18 juin 1964 au Mont-Valérien, sa mort aurait eu en France autant de signification symbolique que celle de Sadate assassiné en direct à la télévision, le 6 octobre 1981, lors de la commémoration de la victoire de 1973. Ses meurtriers, issus d'un groupe islamique infiltré dans l'armée, voulaient lui faire expier la trahison de la cause arabe que constituaient à leurs yeux le voyage à Jérusalem et les accords de Camp David succédant à la traversée du canal.

L'indifférence du pays au moment des funérailles et la prudence de ses successeurs faisaient soudainement comprendre à l'Occident que celui qui avait partagé le prix Nobel de la paix avec Begin en 1978 après les accords de Camp David était comparé chez lui à Pétain ou à Laval. Une telle haine chez certains, une si forte déception auprès de la majorité peuvent surprendre à l'égard d'un homme d'État arabe qui a su un moment faire reculer Israël sur le champ de bataille et prouver que les Arabes n'étaient pas condamnés à être d'éternels vaincus.

Les débuts

Rien ne prédisposait Anouar el-Sadate à autant d'honneur ou d'indignité. Né en décembre 1918 dans un village du Delta, Mit-Aboul-Kom, d'un père petit fonctionnaire d'origine paysanne et d'une mère soudanaise, il fait des études secondaires modestes qui ne lui permettent pas d'envisager une brillante carrière universitaire d'avocat ou de médecin. Il aurait pu aller à l'université El-Azhar, mais il se trouve qu'en 1936, avec le départ des Anglais, l'armée égyptienne ouvre son recrutement aux candidats issus de la petite-bourgeoisie. Il entre donc à l'Académie militaire d'Abbassie dans la même promotion que Gamal Abdel-Nasser et Zakaria Mohieddine. Ils se trouveront plus tard en garnison à Mankabad en Haute-Égypte.

Chasser les Anglais par tous les moyens est leur obsession. Nasser s'y emploie avec méthode et discrétion. Sadate se lance dans des opérations beaucoup plus aventureuses et brouillonnes. Il entraîne Nasser dans une tentative de contacts avec les chefs des Frères musulmans, qui se solde par l'incompréhension, le manque de confiance et la déception de part et d'autre. Puis il place ses espoirs dans la collaboration avec l'Allemagne dont les troupes, conduites par Rommel, ont débarqué en Libye et remportent des succès fulgurants.

Il organise alors un réseau d'espionnage et tente de faire passer un général égyptien dans les lignes allemandes. Cela lui vaut bientôt d'être arrêté par l'Intelligence Service et réexpédié en Haute-Égypte, cette fois dans un camp de détention. Évadé, il sera à nouveau arrêté à la fin de la guerre par la police de Farouk pour avoir participé à l'assassinat d'un ministre wafdiste.

Après trente mois de prison, il est relâché faute de preuves, mais chassé de l'armée. Il dirige alors une entreprise de transport puis devient journaliste. Il est cependant réintégré dans l'armée en 1950 grâce à l'intervention d'un médecin de Farouk. Il y retrouvera aussi Nasser et ses anciens compagnons Officiers libres, sans jouer cependant dans l'organisation le rôle prépondérant qu'il s'attribuera par la suite. Prévenu au dernier moment de l'action entreprise le 23 juillet 1952, il aura juste le temps de se précipiter à la radio pour lire la première proclamation des conjurés.

Le succès de la révolution semble pour Sadate la fin de l'aventure. Il n'y a pas de place dans l'entourage de Nasser pour la spontanéité brouillonne et les contacts marginaux. Il semble donc accepter, pendant toute cette période, de jouer les « apparatchiks » de la révolution. Il est désigné pour les besognes ingrates et sans gloire, comme la présidence du tribunal qui condamne, en 1954, les[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut d'études politiques de Paris

Classification

Médias

Anouar el-Sadate à la Knesset, 1977 - crédits : Ippa/ AFP

Anouar el-Sadate à la Knesset, 1977

Accords de Camp David, 1978 - crédits : David Hume Kennerly/ Getty Images

Accords de Camp David, 1978

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