SADATE ANOUAR EL- (1918-1981)
La succession de Nasser
Lorsqu'il accède au pouvoir, Sadate tire sa légitimité de sa participation au complot de 1952 et de sa fidélité sans faille au système nassérien. Il apparaît comme un homme d'appareil et de compromis assez peu maître de la réalité du pouvoir, comparé à Ali Sabri, Sami Charaf ou Chaarawi Gomaa, qui contrôlent l'Union socialiste arabe, la fonction publique, l'information et les services de sécurité. Il acquiert néanmoins une certaine popularité en libérant la plus grande partie des opposants, aussi bien marxistes que Frères musulmans, que Nasser avait emprisonnés. Il soigne son image auprès de l'armée en déclarant qu'il privilégiera les intérêts de l'Égypte aussi bien dans la recherche de la paix que dans une guerre éventuelle. En avril 1971, il accepte, toujours dans la continuité du nassérisme, de fédérer son pays avec la Libye de Kadhafi et la Syrie d'Assad. Mais, en mai de la même année, il se débarrasse, par une sorte de coup d'État préventif réalisé avec le soutien de l'armée, du groupe d'Ali Sabri qui tentait de lui imposer une direction collégiale pour en fin de compte l'éliminer. Il signe alors en mai 1971 un traité d'amitié avec les dirigeants soviétiques, inquiets d'avoir perdu leurs partisans au sein du gouvernement.
Son pouvoir paraît encore précaire, dans la mesure où il doit affronter à partir d'octobre 1971 une révolte étudiante alimentée par l'impuissance du gouvernement à trouver une issue à la situation incertaine de « ni guerre ni paix » avec Israël. Les déclarations du président sur 1'« année de la décision » font rire tout le pays. Pour contrer le courant de gauche qui le défie au sein des universités, il donnera bientôt le champ libre aux divers mouvements issus des Frères musulmans qu'appuient au même moment le Koweït et l'Arabie Saoudite.
Il recherche aussi en 1972 auprès de Moscou l'aide qui lui permettra de préparer sérieusement son armée à une attaque contre Israël, mais il est sans illusions sur les intentions à long terme de l'Union soviétique. Cela ne l'empêche pas d'expulser les conseillers soviétiques en juillet 1972, tout en continuant à préparer la guerre, et en s'appuyant plutôt sur la Syrie et sur l'Arabie Saoudite que sur la Libye de Kadhafi.
Lorsqu'il réussit à faire traverser le canal de Suez à son armée le 6 octobre 1973 et à transformer une action militaire positive, de portée limitée et précaire, en succès politique, la surprise est grande autant en Égypte qu'en Israël. Le souvenir de la défaite de 1967 a été effacé et Sadate peut accepter le cessez-le-feu négocié par le secrétaire d'État américain Henry Kissinger. Ce cessez-le-feu est suivi en janvier 1974 d'un accord de désengagement. En traversant le canal et en enfonçant la ligne Ber-Lev, Sadate a acquis en Égypte et dans le monde arabe une dimension personnelle et une autonomie d'action par rapport à l'armée, à la bureaucratie et au parti qui constituent sa base politique. Il aurait pu limiter son action à mettre fin à vingt-cinq ans de guerre au cours desquels l'Égypte nassérienne avait perdu ses territoires et ses ressources, sans acquérir la place qu'elle ambitionnait dans le monde arabe. Il aurait même pu invoquer en cela la fidélité à l'héritage de Nasser, qui avait accepté le plan Rogers avant de mourir. Mais il n'a pas suffi à Sadate de rendre à l'Égypte les ressources du pétrole et du canal (2 milliards de dollars par an). Il a voulu, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur, pousser à l'extrême la logique de la situation.
Le succès militaire et plus encore politique donne à Sadate la stature d'un véritable successeur de Nasser, à la fois dans le pays et dans le monde arabe, et lui[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Rémy LEVEAU : professeur à l'Institut d'études politiques de Paris
Classification
Médias
Autres références
-
ÉGYPTE - L'Égypte républicaine
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Sandrine GAMBLIN et Robert SANTUCCI
- 38 768 mots
- 16 médias
...Après les scènes de douleur collective qui marquent les funérailles de l'homme qui avait gouverné le pays pendant près de vingt ans, la vie continue. Le vice-président de la République, Officier libre, compagnon de longue date du raïs, du même âge, lui succède selon les dispositions prévues par la Constitution.... -
FRÈRES MUSULMANS
- Écrit par Nadine PICAUDOU
- 1 341 mots
L'Association des Frères musulmans est née à Ismaïlia, en Égypte, en 1928. Son fondateur, Hasan al-Bannā’, n'est pas un ouléma, mais un simple instituteur très affecté par la domination anglaise sur son pays et les influences, jugées corruptrices, de l'Occident matérialiste. Sa prise de...
-
ISRAËL
- Écrit par Marcel BAZIN , Alain DIECKHOFF , Encyclopædia Universalis , Claude KLEIN , Lily PERLEMUTER et Ariel SCHWEITZER
- 28 622 mots
- 29 médias
...les États de la Ligue arabe adoptent une position intransigeante : non à des négociations avec Israël, non à la reconnaissance, non à la réconciliation. Anouar el-Sadate, qui succède à Nasser en 1970, comprend pourtant que la guerre totale n’est plus une option, du fait de la suprématie d’Israël, mais que... -
MOUBARAK HOSNI (1928-2020)
- Écrit par Sandrine GAMBLIN
- 1 693 mots
- 1 média
Président de la République arabe d'Égypte de 1981 à 2011, Hosni Moubarak, né le 4 mai 1928, est originaire de Manufiya, un gouvernorat situé dans la région du Delta du Nil. Issu d'un milieu modeste, il se destine très jeune à une carrière militaire.
Diplômé de l'Académie de l'armée...