BRILLAT-SAVARIN ANTHELME (1755-1826)
Cet homme, dont le nom est célèbre, n'est en fait connu que pour une œuvre publiée à la fin de sa vie, La Physiologie du goût, dont il vaut la peine de connaître le second titre dans tout son développement : Méditations de gastronomie transcendante, ouvrage théorique, historique et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes parisiens... C'est dire que l'auteur s'est donné pour tâche de célébrer l'art culinaire en lui accordant la plus haute dignité. Il écrit dans la préface de son ouvrage : « En considérant le plaisir de la table sous tous ses rapports, j'ai vu [...] qu'il y avait beaucoup à dire sur des fonctions si essentielles, si continues et qui influent d'une manière si décisive sur la santé, sur le bonheur et même sur les affaires. » Cette œuvre conçue comme une occupation amusante, réservée pour la vieillesse, fut élaborée à petits coups, lentement, et à des heures choisies, au cours d'une brillante carrière de magistrat qui ne fut guère interrompue que par un exil de trois ans (1793-1796) sous la Révolution. L'auteur était né à Belley, d'une famille vouée aux professions judiciaires, et fit carrière dans la justice, à la Cour de cassation, pendant vingt-six années de sa vie.
Les événements politiques d'une époque si tourmentée semblent l'avoir assez peu marqué. Envoyé aux États généraux en 1789, il fait assez peu état de principes politiques ou législatifs, mais plaide pour le maintien de la peine de mort. « Si vos comités ont cru faire preuve de philosophie en vous proposant d'abolir la peine de mort, ce n'est qu'en rejetant leur projet que vous prouverez combien la vie de l'homme vous est chère. » Lorsque ses propriétés sont saisies pendant son exil, il accepte cette perte avec philosophie. Dès son retour à Paris, il reprend sa carrière et ses occupations sans encombre et supporte parfaitement, pour autant qu'on puisse en juger, la métamorphose du Consulat en Empire, puis la Restauration. Il aurait sans doute pu dire de tels événements ce qu'il a dit de la découverte d'une étoile, qu'elle « ajoute moins au bonheur du genre humain que celle d'un mets nouveau ».
En revanche, il se déclare résolument novateur dans le domaine de la littérature et du style : « Je suis, dit-il, du parti des néologues et même des romantiques... » Il puise des mots partout où il peut en trouver, d'autant plus facilement qu'il connaît bien plusieurs langues étrangères, et le résultat est généralement jugé séduisant. On s'accorde à lui reconnaître des qualités littéraires peu communes. Il est vrai que le personnage même qu'il compose est plaisant, d'une stature presque colossale, mais aussi grand homme d'esprit. Son œuvre est riche en maximes bien frappées dont certaines sont finement comiques sous la bonhomie, d'autres empreintes d'un généreux humanisme : « Convier quelqu'un, c'est se charger de son bonheur pendant tout le temps qu'il est sous notre toit. »
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Écrit par
- Denise BRAHIMI : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, professeure agrégée des Universités (littérature comparée), université de Paris-VII-Denis-Diderot
Classification
Autres références
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GASTRONOMIE
- Écrit par Jean-Pierre MARTINON et Bertrand SIMON
- 6 925 mots
- 3 médias
...décrivant les manières de les confectionner et de les déguster, la gastronomie se veut aussi science dans les écrits de Grimod de La Reynière et surtout chez Brillat-Savarin. Dans les méditations de ce dernier, la gastronomie tient à l'histoire naturelle, à la physique, à la chimie, à la cuisine, au commerce...