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BURGESS ANTHONY (1917-1993)

En 1971, Anthony Burgess connut pour la première fois la grande notoriété lorsque fut porté à l'écran (par Stanley Kubrick) le roman Orange mécanique (The Clockwork Orange) qu'il avait publié en 1962 et qui reste sans doute son plus brillant exploit. C'est une fable anti-utopique dans la tradition anglaise qui va de Swift à Huxley : des gangs de jeunes terrorisent la population d'une ville qui n'est plus qu'une immense zone urbaine déshumanisée ; l'histoire est racontée, à la première personne et dans une langue, un idiolecte, qui amalgame de façon saisissante argot américain et lexique russe, par leur chef, Alex, voyou au charme pervers, archange passionné de musique classique et de langues anciennes pour qui cogner, violer, brûler, torturer, faire régner le mal dans sa pureté, est un acte de liberté spirituelle dans un monde programmé pour le progrès social et le bonheur. Chez Burgess, catholique anglais hanté par le péché originel et convaincu de la dépravation humaine, le thriller métaphysique à la Graham Greene se double ici d'une comédie de la cruauté à la Evelyn Waugh : ces deux romanciers catholiques sont sans doute, avec Joyce, ses principaux maîtres.

Né le 15 février 1917 dans le Lancashire, John Anthony Burgess Wilson est d'une famille de musiciens : son père était pianiste, sa mère, morte alors qu'il avait un an, cantatrice d'opérette (il relate ces circonstances dans son autobiographie, Little Wilson and Big God, 1987). Lui-même, à quatorze ans, décide de devenir compositeur. Il a écrit depuis symphonies, concertos et sonates, rêve d'un opéra, mais surtout a su retrouver les règles de la composition musicale dans la construction de ses romans, sa Symphonie Napoléon (Napoleon Symphony, 1974) en particulier, dont la structure complexe est inspirée de l'Héroïque de Beethoven. Burgess est venu tard à la carrière d'écrivain. Écrit en 1949, son premier roman, A Vision of Battlements, ne fut publié qu'en 1965 : le sergent R. Ennis, dont le nom se lit à l'envers « sinner » (le pécheur), oscillant entre sa fascination pour la chair et la répulsion panique qu'elle lui inspire, y mène une petite guerre d'escarmouches contre la hiérarchie militaire qui l'opprime. Il fallut attendre le long séjour que Burgess fit en Malaisie, à Brunei et à Bornéo où il enseigna l'anglais de 1954 à 1959, pour qu'il devienne le plus prolifique écrivain de sa génération. De l'Orient, il rapporta sa « trilogie malaise » (1956-1959), regard désabusé sur l'Empire et son déclin. Dans The Right to an Answer (1960), un « colonial », retour en métropole, exprime son mépris pour l'Angleterre, société pourrie par la prospérité et où l'oubli des valeurs traditionnelles n'a plus laissé que mesquinerie et concupiscence. Par la suite, les romans de Burgess (certains publiés sous un pseudonyme) vont se succéder à un rythme vertigineux. La vision pessimiste s'affirme dans La Folle Semence (The Wanting Seed, 1962) : dans une Angleterre qui n'est plus qu'une vaste banlieue étouffée par la surpopulation, on décourage la procréation en faisant campagne pour l'homosexualité, l'avortement et l'infanticide et on organise périodiquement des guerres rituelles afin d'éliminer le surplus. Inside Mr. Enderby (1963) rappelle Joyce avec son poète catholique renégat, qui ne peut composer que dans les toilettes. Burgess est un grand amateur de Joyce à qui il a consacré deux études (Re-joyce, 1965 ; Joysprick, 1972) et dont il a publié une version abrégée du Finnegans Wake. Comme Joyce, il est fasciné par le substrat mythique du roman et par le tourbillon polyglotte. MF (1971) joue ainsi avec maestria sur l'anthropologie de Lévi-Strauss et sur les échos d'une langue à l'autre ; même virtuosité dans la[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature américaine à l'université de Paris IV-Sorbonne et à l'École normale supérieure

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    1934-1940 Études primaires dans le Bronx où son père, médecin, lui donne le goût des échecs.

    Septembre 1941 Son père lui offre un appareil photo Graflex : Kubrick...