CARO ANTHONY (1924-2013)
L'œuvre du sculpteur britannique Anthony Caro (né en 1924 à New Malden, Surrey) s'inscrit parmi les recherches formelles suscitées par la pratique de la soudure du métal. Cette technique, qui doit tant à Gonzalez et à Picasso, lui permet d'assembler, sans esquisse ou maquette préalable, des éléments industriels (poutres, solives, tuyaux, plaques et treillages découpés). Selon le critique américain Clement Greenberg, Caro met ainsi « l'accent sur le caractère abstrait de la sculpture, sur sa dissemblance radicale d'avec les formes naturelles ».
Au moment où Anthony Caro termine ses études (à la Royal Academy de Londres), la scène artistique est, en Grande-Bretagne, dominée par Henry Moore, premier sculpteur britannique à avoir gagné une réputation internationale après la Seconde Guerre mondiale. Pour Caro, qui devient en 1951 son assistant, il constitue un modèle qu'on ne peut ignorer.
Les premières œuvres de Caro s'établissent dans la tradition du bronze figuratif. Elles explorent les possibilités et les limites de l'expression du corps en privilégiant les positions de tension, comme éprouvées de l'intérieur, sans respect pour les proportions (Man Holding his Foot, 1954, coll. de l'artiste ; Man Taking off his Shirt, 1955-1956, coll. part., Londres). C'est en 1960 que Caro cesse de faire référence à la figure humaine, à partir de sa rencontre avec le sculpteur américain David Smith. Il apprend alors la soudure et commence à assembler des formes géométriques de métal.
À l'opposé, cependant, de l'approche verticale, totémique, engagée par Smith, Anthony Caro entreprend de construire ses œuvres à partir d'éléments horizontaux sur lesquels sont soudés, à intervalles espacés, des parties elles aussi métalliques. Structures ouvertes, dépourvues de tout centre, ces sculptures exigent du spectateur une déambulation, un parcours. La couleur, apposée uniformément sur la sculpture, renforce la cohésion matérielle des éléments dispersés et accentue la qualité purement visuelle de leur composition (Early One Morning, 1962).
À la fin des années 1960, les sculptures d'Anthony Caro perdent leurs découpes rigides et se constituent de formes courbes ou cursives plus « lyriques ».
Il réfléchit à la notion d'échelle et envisage des pièces petites qui ne soient en aucun cas des modèles réduits. Ses Table Pieces (« Dessus de table », réalisés à partir de 1966, sur le conseil du critique américain Michael Fried) sont posées sur une table définissant comme une ligne d'horizon. Mais chacune de ces combinaisons peintes, faites d'acier et de tôle, auxquels s'adjoignent le bronze et le cuivre, comporte toujours un élément qui dépasse du support. Ainsi ces œuvres transforment-elles la relation de la sculpture à son socle, à son sol.
À partir des années 1980, son intérêt pour une sculpture architecturale est renforcé par un voyage en Grèce (1985) où il prend vraiment conscience de la fusion de l'architecture et de la sculpture. Il forge le mot sculpitecture pour distinguer ces œuvres de ses sculptures proprement dites. En 1987, il collabore avec l'architecte Frank Gehry à la construction d'un « architectural village ». Ses sculptures se développent comme de véritables sites : After Olympia (1986-1987), en acier verni et peint, a 230 mètres de longueur. Par la complexité des matériaux et des formes qu'il met en œuvre, le cloisonnement entre l'architecture et la sculpture disparaît : The Octogon Tower — Tower of Discovery, exposé en 1991 à la Tate Gallery de Londres, est une sculptitecture de 6,71 m de hauteur, en acier peint, formée de cinq escaliers extérieurs et d'un escalier central qui permettent au spectateur de gravir les différents étages de la tour.
Affranchies de toute signification étrangère à l'expression[...]
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Écrit par
- Élisabeth LEBOVICI
: critique d'art au journal
Libération
Classification
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