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ANTHROPOCÈNE

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Quelle limite pour l’Anthropocène ?

L’AWG, issu de la sous-commission dédiée à la stratigraphie du Quaternaire de l’ICS, a débuté ses travaux en 2009. D’abord composé uniquement de géologues, ce groupe s’est rapidement élargi à des non-géologues venant de nombreux domaines (géographie, écologie, archéologie, sciences humaines…) et même de la sphère juridique.

L’objectif était d’examiner les preuves de l’impact des activités humaines dans les enregistrements sédimentaires récents, de déterminer si ces arguments étaient suffisamment convaincants pour introduire une nouvelle unité stratigraphique dans l’échelle des temps géologiques, et si oui, avec quel niveau (ère, époque ou âge).

Il fallait donc pouvoir déterminer de façon certaine le début de cette époque, c’est-à-dire trouver un événement majeur (un marqueur d’origine humaine ici) à l’échelle du globe, enregistré dans les sédiments et exposé dans un site de référence permettant de définir le GSSP.

Crutzen et Stoermer, conscients du côté arbitraire de leur choix, avaient proposé la fin du xviiie siècle, moment à partir duquel les effets mondiaux des activités humaines sont devenus clairement perceptibles. Il est marqué par le début de l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre – notamment le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4) – mesurées dans les carottes glaciaires. Il coïncide avec les innovations apportées par James Watt (1736-1819) à la machine à vapeur, un des moteurs de la révolution industrielle. C’est aussi à partir de ce moment que les associations animales et végétales ont commencé à changer dans la plupart des lacs.

Les débats ont été vifs au sein de la communauté scientifique pour définir la limite inférieure de l’Anthropocène, et les propositions multiples, certaines pouvant englober tout l’Holocène. Citons, parmi d’autres, le début de l’agriculture (il y a environ 10 000 ans, soit quasiment au début de l’Holocène), la colonisation des Amériques (1492) et du Pacifique, la révolution industrielle (1850), la bombe atomique (1945), les premiers essais nucléaires à l’air libre de 1952 et 1954, etc. L’Anthropocène pourrait donc couvrir tout ou partie des trois étages de l’Holocène déjà ratifiés avec un clou d’or en 2018 et liés à des événements climatiques prononcés.

Pour être retenu, un marqueur doit être enregistré à l’échelle mondiale, stable et pérenne à l’échelle des temps géologiques, ce que ne sont ni les traces de radioactivité ni les microplastiques, qui peuvent migrer dans les sédiments et contaminer les couches antérieures. Dans son rapport de mars 2024, l’IUGS précise que les effets des activités humaines sont transgressifs (car ils traversent les limites) et variables dans l’espace comme dans le temps. Il est donc impossible de représenter convenablement leur apparition par un horizon isochrone, c’est-à-dire une couche reflétant un même instant.

Le début de l’Anthropocène reste donc imprécis et difficile à établir.

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Écrit par

  • : agrégée de l'université, historienne des sciences, chercheuse associée au Centre François Viète, université de Nantes

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Échelle stratigraphique internationale du Cénozoïque - crédits : Encyclopædia Universalis France

Échelle stratigraphique internationale du Cénozoïque

Lac Crawford, Milton (Ontario, Canada) - crédits : Bonnie Jo Mount/ The Washington Post/ Getty Images

Lac Crawford, Milton (Ontario, Canada)

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